Page:Du Cange - Glossarium mediae, T9, 1887.djvu/424

Cette page n’a pas encore été corrigée

ÉLOGE DE DU CANGE. sans doute, et n’en est pas moins reloge de son travail; mais nous dirons encore plus vrai en ajoutant qu’il a communiqué à ce qu’il appelle les méchants extraits une bonté plus utile que celle qui se rencontre dans les meilleurs morceaux des auteurs les plus brillants. Aussi M. du Cange est-il bien plus que ce qu’il a voulu paraître et celui qui ne s’est donné que pour un simple philologue se trouve le critique le plus éclairé, l’historien le plus sûr, enfin le savant le plus universel et le plus profond. 0 vous, qui devez toute votre science à M. du Cange ô vous, cénobites savants, qui dans son ouvrage avez appris à le continuer, à l’augmenter, à le corriger même; ô vous tous enfin, qui ne deviendrez savants qu’en lisant et relisant jour et nuit le Glossaire latin, attestez la profondeur et l’étendue des connaissances de son auteur Et quand vous n’en connaîtriez que cet ouvrage, mettez-le, sans aucune prévention nationale, au-dessus de tous les savants de notre âge et même au-dessus des savants des autres siècles. En composant son Glossaire latin, M. du Cange en avait mieux senti toute l’utilité, et aussi la difficulté d’un pareil travail sur la langue grecque. Par les mêmes causes elle avait essuyé la même décadence, et peut-être plutôt encore par ses divers dialectes, dont l’attique, au grand scandale de tous les savants, était devenu le plus vicieux. Cette corruption n’effraya point M. du Cange, semblable au médecin habile que n’arrête point la contagion, mais qui la brave, s’en préserve et sauve une ville ou une province qui l’ont appelé (1). Le Dictionnaire de Meursius, la Grammaire de Simon, l’Eucologe de Goar, les anciens Glossaires, quoique M. du Cange en eût lui-même donné l’édition, ne lui avaient point paru expliquer avec assez de clarté ni d’étendue les termes grecs des auteurs du Bas-Empire; il en relut, confronta, étudia les textes, tant imprimés que manuscrits, dont les titres et les noms, pour la plupart, n’étaient pas même connus, et ne le seront peut-être jamais que de lui; et il en fit ce dictionnaire que plus de cent années auparavant un savant (2) souhaitait et demandait, comme un service à rendre à tous les autres savants. C’est dans ce vocabulaire, aussi difficile qu’utile, (1) Cabasilas, archevêque de Thessalonique au quatorzième siècle, auteur de plusieurs ouvrages sur la liturgie grecque, fait monter à soixante-dix les divers dialectes de cette langue. J. Meursius a donné en 1614 un dictionnaire de grec corrompu. Simon Portius, qui était de Rome, et docteur en théologie, a fait sur les différences qui se rencontrent entre le grec ancien et le vulgaire, une grammaire qu’il dédia au cardinal de Richelieu. J. Goar, missionnaire dominicain, qui avait acquis dans l’ile de Chio une connaissance assez exacte des termes de la liturgie grecque, a donné en 1648 un Eucologe très estimé, et d’autres ouvrages sur la croyance et les coutumes des Grecs. Les anciens Glossaires, que les érudits appellent les vieilles Gloses, sont un recueil grec et latin que Vulcanius donna à Leyde en 1600, et dont Charles l’Abbé avait préparé une autre édition, qui fut publiée en 1679 par M. du Cange avec une préface curieuse, où il fait l’histoire de ces Gloses. (2) Wolflus, éditeur des Annales de Zonare en 1557 « Rogo « autem eos qui comiptœ linguœ penti sunt, ut propter scripto« res m tluibus subinde barbara vocabula occurrunt barbancum « lexicon conficiant, vocibus barbaris prœpositis et grœds subit junctis, ne veteris duntaxat hnguœ periti ab eorum lectione « t<e<erf6ttM<M< ?» qu’outre la véritable signification des mots qui le composent, on retrouve la religion de l’Empire grec et sa liturgie, sa jurisprudence et ses lois, la tactique et les noms des armes ou des machines propres à cette science, la médecine et la botanique, avec presque tous leurs termes originaux tirés des livres arabes leur première source, la chimie et les mathématiques, avec leurs nombres, leurs caractères, leurs signes et leurs hiéroglyphes enfin presque toute l’histoire de l’Empire d’Orient, et même les médailles de ses empereurs. Voilà l’idée, imparfaite encore, de l’exécution du Glossaire grec digne supplément du Glossaire latin, et supplément de gloire pour leur auteur (1). L’histoire de Constantinople sous les empereurs français la conquête de Constantinople écrite par VilleHardouin (2), qu’il a commenté, éclairci, continué des notes sur Anne Comnène, Nicéphore de Bryenne, Cinname, Grégoras, Zonare, et d’autres historiens de Constantinople, dont il fut l’éditeur; enfin toute l’Histoire Byzantine, avec un commentaire qu’il appelle pragmatique, généalogique, topique et chronique, et qui peut en servir à tous les auteurs byzantins tels sont les ouvrages imprimés qui, avec des manuscrits et plus nombreux et non moins travaillés prouvent ce que nous ne pouvons qu’annoncer, l’érudition vaste de M. du Cange sur l’histoire du moyen âge érudition d’autant plus glorieuse, qu’elle n’appartenait qu’à lui, parce qu’il n’y avait que lui qui eût lu dans leurs langues originales tous les auteurs du Bas-Empire, et qui eût ainsi pu porter dans les annales obscures de l’Europe Je flambeau de celles de l’Asie. Ainsi chargé des dépouilles de l’Orient, comme l’a dit un grand poëte (3) pour une occasion plus brillante et moins utile, M. du Cange revint en enrichir l’Occident et son pays. Il avait, pour ainsi dire, couvert sa marche, et l’avait rendue plus sûre en paraissant ne s’occuper que de l’histoire des autres nations mais c’était la gloire (1) M. de la Monnaie, connu par ses poésies latines, a fait ce distique, en hommage à l’auteur des deux Glossaires Ausonios postquam graiosque effusa per agros Barbaries Romam pressa utraanque ditt, Cangius hanc vixelis qui tandem et carcere frœnet. Res mira e Gallis ecce Camillus adest. (2) Ville-Hardouin, maréchal de Champagne, a donné l’histoire de la prise de Constantinople par les Français en 1204. Anne Comnène, princesse illustre par son esprit et son savoir, fille de l’empereur Alexis Comnène l’Ancien, a écrit l’histoire de son père. Nicéphore de Bryenne, mari d’Anne Comnène, quiaeula qualité de César et d’Auguste, est auteur de différents ouvrages et d’une partie de l’histoire de Constantmople. Cinname, Grec du douzième siècle, a fait celles des Règles de Jean et Emmanuel Comnène. Zonare, dans le même siècle, exerçait des emplois considérables à la cour des empereurs de Constantinople il fut ensuite moine de Saint-Benoît. Il a donné des annales qui vont jusqu’en 1118. Nicéphore Grégoras, historien du quatorzième siècle, bibliothécaire de l’église de Constantinople, qui fut désigné au patriarchat, auquel il serait parvenu sans les intrigues de ses ennemis, a fait une histoire de cet empire depuis 1204 jusqu’en 1341. (3) Virgile.