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CHARLES DUFRESNE SEIGNEURDU CANGE Discours qui a remporté le prix de l’Académie d’Amiens en i 764. C’est le sort des hommes illustres d’être loués difficilement ils ne peuvent même l’être, dit Cicéron, que par ceux qui sont louables eux mêmes ainsi l’éloge de M. DU CANGEest tout à la fois celui de l’Académie qui l’a proposé. Sa patrie lui devait cet hommage; ce n’est pourtant point à elle que se borne l’illustration qui rejaillit de la mémoire de ce compatriote savant; ce n’est pas seulement l’homme de la province, c’est celui de la nation, c’est celui qu’elle citera aux autres nations quand elle voudra leur prouver sa supériorité, « aucun savant « chez elles ne pouvant être opposé à notre illustre « Français pour la continuité du travail, la profondeur « des recherches et l’étendue des connaissances (1).  » Honorons donc la mémoire de cet homme laborieux, de ce héros paisible, pour user encore des termes de l’orateur de Rome, plus recommandable à plus d’un égard que ces héros bruyants qui ont gouverné ou défendu l’État, et dont tant d’autres ont partagé le mérite. Le sien, et qui lui appartient tout entier, est d’avoir éclairé son siècle et ceux qui le suivront, en retrouvant et conservant la lumière des siècles qui les ont précédés. M. du Cange s’est rendu d’autant plus digne de l’honneur d’un éloge public, que la probité, la simplicité de ses mœurs égalaient la modestie et l’éminence de ses talents, union qui seule mérite les véritables louanges, suivant la belle idée de cet ancien qui, bâtissant des temples à chaque divinité, et les joignant l’un à l’autre, les disposa de manière qu’il fallait passer par ceux de la Vertu et de la Science avant que d’entrer dans celui de la Gloire. Le mérite de la naissance est un préjugé, mais ce préjugé est respectable il est un hommage continué à la mémoire de ceux qui ont ennobli leur famille il suppose une succession presque physique des mêmes (1) Bayle, Préface du dict. de Furetière. ÉLOGE DE talents, des mêmes vertus, dont l’éducation a développé le germe et l’a rendu plus fécond encore (1). La noblesse de M. du Cange, ayant sa source dans les services militaires, avait, pour ainsi dire, changé son cours par des emplois civils. Les descendants de ceux qui avaient défendu la patrie crurent la servir aussi bien en lui administrant la justice et M. du Cange, ainsi que ses illustres frères, crut la servir mieux encore en travaillant à l’éclairer. Sans doute il fut entraîné par le charme invincible d’une inclination forte, exempte du mélange de toute autre inclination qui l’altérât, par l’attrait d’une passion dominante, unique, par l’amour de l’étude enfin il lui dut le plan d’une vie égale, uniforme. Quatorze heures de travail au moins étaient son travail ordinaire, qu’interrompait à peine la distraction la plus permise, ou toute autre occupation utile (2). Une de ses journées les représentait toutes, excepté ces jours qui, par des nuits studieuses, rejoignant sans interruption les jours suivants, lui formaient une possession continue et délicieuse de ce qu’il aimait uniquement. Quel exemple, ou plutôt quel reproche pour ceux qui dans leurs premières années n’ont d’autre occupation que le plaisir, et ne font (1) Charles DUFRESNE, sieur Du CANGE. naquit à Amiens, le 18 décembre 1610, de Louis, seigneur de Froideval, prévôt royal de Beauquesne, et d’Hélène de Reli, tous deux nobles de race. On voit dans la dernière édition de Moreri une généalogie des Dufresne, qui paraît vraie, d’autant qu’elle a été faite principalement d’après les recherches de M. du Cange. Jean Dufresne, frère de Charles, avocat célèbre au parlement de Paris, a commencé le Journal des Audiences il a fait aussi un commentaire sur la coutume d’Amiens. Un autre de leurs frères s’est distingué dans l’Eglise quelques-uns des articles ecclésiastiques du Glossaire deM.du Gange sont de lui. Leur père passait aussi pour homme de lettres. (2) On dit que le jour de son mariage M. du Cange étudia six ou sept heures.