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x NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

un rôle indigne d’eux que de les obliger à n’être que de simples copistes. Le P. Papebroch, auteur des Actes des Saints, lui pose une foule de questions et reçoit des réponses complètement satisfaisantes. Le P. La Carry le consulte sur son histoire des Comtes de Rhodez, et des Vicomtes de Carlat. Le Conseiller Troubeau de Bourges écrit à Du Cange, comme à un homme qui peut lui donner plus que qui que ce soit, dans le royaume. Le jurisconsulte de Chambourg, d’Orléans, l’interroge sur l’époque à laquelle remontent les traductions françaises du Code, des Institutes de Justinien, et des Décrétales de Grégoire IX ; il lui demande aussi des explications sur les anciennes coutumes d’Orléans.

Aux yeux du Chanoine Dorans, Du Cange est un véritable puits de science ; et vous souffrirez, lui écrit-il, qu’un inconnu, si vous faites réflexion que les fontaines étant publiques chacun à droit d’y aller et que l’indigence du pauvre ne peut mieux demander que de l’abondance du riche, désire des renseignements sur les princes de Valachie et de Moravie, sur les différents possesseurs des États qui sont aujourd’hui dans la maison d’Autriche et situés en Allemagne, comme Tyrol, Styrie, Carinthie, Carnioles, Vindische, etc, avec tous leurs changements de maîtres, et les révolutions arrivées par les partages faits en cette maison jusqu’à présent : de plus un auteur qui ait décrit les princes qui ont possédé la Toscane depuis Charlemagne ; et il termine en demandant le nom d’un historien français qui ait traité ex professo, des comtes de la Marche et de Saintonge.

Le Chanoine Dorans est tellement satisfait des réponses de Du Cange, qu’il lui en exprime immédiatement sa reconnaissance en termes des plus chaleureux.

Nous ne devons point pauser sous silence l’illustre Leibnitz, dont les recherches sur la Comtesse Mathilde et sur d’autres personnages historiques étaient restées infructueuses. Du Cange apprit par un ambassadeur l’embarras de l’illustre savant allemand et s’empressa de lui envoyer une dissertation des plus étendues sur ces divers points. Leibnitz en fut si profondément touché qu’il écrivit à Du Cange une lettre, dans

laquelle figure ce passage : « Je trouve votre courtoisie aussi grande
« que votre érudition, que toute la terre connaît assez….
« Vos remarques sont considérables et pourront servir
« à pousser plus loin mes conjectures. »

La mort surprit Du Cange, le 23 octobre 1688, la plume à la main, pendant qu’il corrigeait les épreuves de la Chronique d’Alexandrie. Il laissait une étude inachevée sur le Gregoras, qui cependant a été très utile à Boivin et Capperonnier pour l’édition qu’ils ont donnée de cet ouvrage.

Le Journal des Savants de cette époque déclare que la seule énumération des ouvrages et des manuscrits de Du Cange confirme et surpasse même tous les éloges donnés à cet illustre historien, pendant sa vie et après sa mort. Ce n’est pas pour la gloire que j’étudie, disait Du Cange à ses amis, lorsqu’ils le pressaient de prendre un peu de repos, je ne songe, ajoutait-il, qu’à m’amuser ; ceci n’est point publici saporis, clausum domi manebit, mihi cano et musis ; j’ai du temps de reste ; et il le prouvait, car il s’occupait très activement de sa famille, et était heureux d’avoir de longe entretiens avec ses amis.

Du Cange ne recherchait pas la gloire, mais, la gloire l’a couvert de ses rayons lumineux et son nom sera honoré, dans tous les siècles par les savants qui admireront son extrême modestie, son ardent patriotisme, son immense érudition et son admirable génie.


Nous ne terminerons pas cette étude, sans exprimer notre reconnaissance aux biographes qui ont analysé les œuvres de Du Cange et qui nous ont fait connaître, jusque dans les moindres détails, son existence laborieuse, ses ouvrages imprimés et ses manuscrits.

Charles du Fresne d’Aubigny est le premier qui ait rédigé une biographie de Du Cange : elle. porte le titre de : Mémoire historique pour servir à l’éloge de Charles du Fresne sieur Du Cange, et à l’intelligence du plan général de ses études sur l’Histoire de France. Ce mémoire nous a été très utile, surtout la partie consacrée à l’examen des œuvres de Du Cange, que nous avons souvent consultée.

M. Henri Hardouin, qui, dès 1838, avait pris l’initiative d’une proposition faite à la Société des Antiquaires de Picardie, d’élever une statue à Du Cange, puis il a analysé ses ouvrages. Dans ses recherches sur le sort des manuscrits de ce savant, il rappelle les généreux efforts déployés par Charles du Fresne d’Aubigny pour en retrouver les traces et les réunir.

« Vers 1735, écrit M. Hardouin, Dufresne d’Aubigny, petit-neveu de Du Cange, grâce à des efforts non moins désintéressés qu’assidus, parvint à récupérer la plupart des manuscrits de notre savant. Il est juste de dire qu’il fut puissamment aidé dans cette entreprise par l’illustre chancelier d’Aguesseau, grand admirateur de Du Cange.

« D’Aubigny, lit-il, dans la bibliothèque des historiens de France, la mention d’un manuscrit qu’aurait possédé l’abbé De Campo ? il est bientôt sur les traces de ce livre, et obtient le manuscrit des familles d’Orient et les trois volumes des recueils de Du Cange, marqués C. D. -F, ainsi qu’un portefeuille contenant une grande partie des catalogues historiques.

« L’année suivante (1736), François Dufresne, second fils de Du Cange, étant décédé, d’Aubigny acquiert, à son inventaire, tout ce qu’il peut apercevoir de papiers émanés de notre savant. Il en tire après un long examen, le fond d’un nobiliaire historique de la France, d’un Traité du droit des armoiries, ainsi que des titres domestiques de la famille Du Cange et de la famille de Réty (celle de la mère de Du Cange).

« Un peu plus tard, d’Aubigny surenchérissant, auprès du fils de François Du Cange, les offres que lui faisaient des anglais pour l’acquisition d’une autre partie importante des papiers de son aïeul, comprenant le manuscrit des Comtes d’Amiens et de Ponthieu, le portefeuille renfermant les titres pour l’histoire de Picardie, une histoire des évêques d’Amiens jusqu’à 1354, une histoire de la