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DE CHARLES DUFRESNE DU CANGE. ix

question que de les classer suivant l’ordre alphabétique. Avec cette clef, et sur la connaissance qu’il avait de l’érudition de Du Cange, il ne balança point à faire marché pour le coffre et pour les richesses qui étaient dedans. Ce traité fut conclu sans autre explication, et telle est, dit-on, l’origine du Glossaire latin.

A peine la première édition du Glossarium avait-elle paru que Du Cange fit mettre sous presse. en 1680, l’histoire des Familles Byzantines et de Constantinople Chrétienne. « C’est, dit le Journal des savants, un com-

« mentaire général qui peut servir à tous les auteurs

« de l’Histoire Byzantine et destiné à éclairer tous leurs

« ouvrages.

En 1686, Du Cange donna une nouvelle édition, corrigée et considérablement augmentée, des Annales de Zonare, en deux volumes in-folio. Cet écrivain avait rempli des charges importantes auprès de l’Empereur de Constantinople. Retiré de la Cour dans un monastère, il employa ses loisirs à composer une histoire du Bas-Empire.

Le Glossaire grec de Du Cange parut en 1688 ; Ce Glossaire donne l’explication des mots grecs corrompus. Constantin, en établissant la capitale de l’Empire à Bysance, y avait entraîné tous ses fonctionnaires qui parlaient la langue romaine ; ils se trouvèrent en contact avec les Grecs dont ils modifièrent le langage en y introduisant des néologismes, des locutions étrangères et beaucoup de termes barbares. La variété des dialectes devint si nombreuse, à Constantinople, qu’on en compta jusqu’à 70 sortes. Sans le Glossaire grec, la plupart des auteurs du Bas-Empire seraient restés inintelligibles.

Afin de montrer les différences qui existent entre le grec ancien et le moderne, l’auteur a placé, en tête de son Glossaire, la Grammaire de Simon Portius, qui est un traité complet sur cette matière.

Du Cange étonnait le monde savant par le nombre et surtout la valeur de ses œuvres. Le benédictin Michel Germain écrivait à l’un de ses amis d’Italie, et s’exprimait en ces termes : « Savez-vous que Du Cange

« imprime tout à la fois le Chronicon Alexandrinum, le

« Grégoras et son Glossaire grec ? Ce vénérable vieillard

« fait pour cela des efforts de géant, et cependant il

« est aussi gai et aussi tranquille que s’il ne faisait que

« se divertir. Que le bon Dieu ajoute encore trente

« années à celles qu’il a sur la tête (1)[1]. »

Ce souhait ne put se réaliser, mais il vécut encore assez d’années pour lui permettre de publier plusieurs autres ouvrages d’une haute érudition.

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Correspondance.

Du Cange entretint, pendant son existence, une correspondance des plus étendues avec les savants de


l’Europe. De toute part, dès que son nom commença à acquérir de la célébrité, on le consulta sur des questions historiques à éclaircir. La réponse ne se faisait jamais attendre, et elle donnait les renseignements les plus précis et les plus complets sur les difficultés à résoudre.

« Quant aux lettres de Du Cange, dit Ch. du Fresne

« d’Aubigny, dans son Mémoire historique, page 32, la

« perte ne peut s’en évaluer, et on ne peut suivre

« aucune correspondance. Cependant ce qui en reste

« est précieux, et suffit pour prouver que la modestie

« de M. Du Cange allait souvent à l’excès, et qu’on ne

« le consultait jamais en vain : français et étrangers,

« savants et amateurs, tous étaient bien bien venus ; il

« satisfaisait à toutes les demandes, éclairait tous ceux

« qui recouraient à lui, et semblait ne remplir qu’un

« devoir ; on aurait dit qu’il regardait ses connaissances

« comme le patrimoine commun de la république des

« lettres. La facilité avec laquelle il les communiquait

« était jointe au plus grand désintéressement. M. Baluze

« rapporte dans la préface de l’ouvrage intitulé : Petri

« Castellani vita, etc, la générosité avec laquelle M. Du

« Cange lui avait remis cet ouvrage. Un savant étant

« venu le consulter sur un projet dont il s’était occupé

« lui-même, M. Du Cange lui fit présent de tout ce qu’il

« avait ressemblé sur cet objet ; et quand il fut parti,

« M. Du Cange répondit tout uniment à ceux qui se

« récriaient sur sa générosité : Je serai ravi qu’il en pro-

« fite ; il m’a paru avoir de bonnes idées, et c’est une

« matière sur laquelle je ne reviendrai plus. »

Nous aurions toujours ignoré les services de cette nature, que Du Cange ne dévoilait jamais, sans les remerciements et les témoignages de reconnaissance, que les auteurs lui donnaient dans leurs ouvrages.

C’est ainsi que l’antiquaire Seguin lui rend hommage pour sa science des médailles : le Conseiller Le Blanc qui dirigeait la cour des monnaies signale les services qu’il lui a rendus. Les héllenistes du temps sont « comme

« en extase vis-à-vis de ses-réponses et des explications

« qu’elles contiennent sur des inscriptions grecques,

« sur des monnaies espagnoles, sur des traits d’anti-

« quité et sur d’autres particularités ; ils tiroient tous à

« l’envi copie de ses lettres (1)[2]. »

Comment se fait-il donc que ces copies, puisque les originaux ont été perdus, ne soient pas parvenues jusqu’à nous ? Quelles pertes irréparables !

De simples fragments de ces correspondances ont été conservés ; ils nous permettent de constater le zèle que Du Cange apportait dans ses communications. Au Conseiller La M..., du Parlement de Dijon, il fournit beaucoup de détails biographiques sur le célèbre Cujas ; à l’historien Nicaise, il envoie des renseignements inédits sur l’histoire de Bysance ; à de Chevanes il adresse une dissertation, pour démontrer que les exercices manuels des Moines n’étaient pas incompatibles avec les travaux intellectuels, et que ce serait les astreindre à

  1. Correspondance de Mabillon, T. II, p. 123).
  2. Ch. Du F. d’Aubigny. Mémoire p. 34.

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