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DE CHARLES DUFRESSE DU CANGE. v

il préparait un mémoire sur l’architecture militaire des croisades. Ce sujet se rattachait si intimement à celui de Du Cange, que M. de Mas-Latrie le pria de continuer l’œuvre interrompue par la mort de M. Taranne. Le ministre de l’instruction publique, informé de cette négociation, n’hésita pas un seul instant à confier cette révision à l’historien, dont il avait pu apprécier depuis longtemps le zèle et l’érudition.

M. Rey poursuivit activement ce travail et, en peu d’années, malgré les difficultés à surmonter, les lacunes à combler, les manuscrits et les livres à consulter, il put enfin le livrer à la publicité. L’Histoire des Familles d’Outre-mer forme un volume in-4o et parut en 1809.

Qu’on nous permette de placer ici une réflexion ; c’est que sous la Restauration, sous le règne de Louis-Philippe et sous le second Empire, le gouvernement accordait ses souscriptions à des publications importantes, en ne consultant que la valeur des ouvrages et leur utilité pour la science, sans se préoccuper des opinions de l’auteur. Il n’en est plus ainsi, et nous pouvons dire que, depuis 1870, ce n’est que la faveur, que la camaraderie politique qui dictent les choix d’une commission qui ne veut encourager que les hommes du parti. L’avenir saura juger et apprécier une semblable conduite, qui favorise la médiocrité et écarte le véritable mérite. Notre protestation restera ; car nous la mettons sous la sauvegarde du grand nom de Du Cange.

Revenons aux travaux de ce savant, et disons qu’il a complété son étude sur les Familles d’Outre-mer par l’Histoire des seigneurs Normands ; ces seigneurs avaient conquis la Pouille, la Calabre et la Sicile. Cette histoire est divisée en cinq parties :

1° La Généalogie et l’Histoire des rois de Sicile issus de Tancrède ;

2° L’Histoire des comtes d’Averse et des princes de Capoue ;

3° La Généalogie de la Maison de Grentemesnil ;

L’Histoire des seigneurs Normands, qui se trouvèrent aux premières conquêtes de la Pouille et de la Sicile ;

L’Histoire des seigneurs Normands et François, qui ont servi dans les armées des empereurs de Constantinople.

Ces cinq parties ont reçu une rédaction définitive ; Du Cange avait terminé l’Histoire des Familles d’Orient et celle des Familles Normandes. Tous les faits sont accompagnés de citations et de documents de la plus complète authenticité. Malheureusement, de 1300 pages in-folio qui renfermaient les preuves, à peine 50 ont-elles été conservées ; les autres ont disparu. C’est une perte des plus regrettables pour cette période de notre histoire.

Afin de rapporter les hauts faits exécutés en Orient par les Français, Du Cange donna, en 1657, une nouvelle édition des Mémoires de Ville-Hardouin ou Histoire de Constantinople, divisée en deux parties. Mais plus tard il revit, avec le plus grand soin, cette édition qui ne le satisfaisait pas, et il la fit réimprimer en y ajoutant


beaucoup de notes. Non-seulement il opéra des corrections dans le texte, mais il augmenta les observations sur l’Histoire de Ville-Hardouin et compléta le Glossaire des vieux mots français. Dans une seconde partie, qu’il y ajouta, se trouve l’Histoire de Constantinople sous les empereurs François.

La septième époque, qui est une sous-division de la cinquième, comprend l’Histoire du règne de Saint-Louis, par le sire de Joinville, avec des observations et des dissertations historiques. C’est un chef-d’oeuvre d’érudition. Du Cange, lorsqu’il publia cet ouvrage, n’avait en sa possession qu’un manuscrit de Joinville, incorrect et plein de lacunes ; cependant il parvint à en donner une édition entièrement rectifiée. Plusieurs années après, la bibliothèque du Roi fit l’acquisition d’un manuscrit exact et complet de Joinville ; l’admiration des savants fut au comble, quand ils purent s’assurer que Du Cange avait non-seulement relevé les inexactitudes, mais qu’il avait, en outre, comblé des lacunes qui rendaient plusieurs passages du texte inintelligibles. Ainsi, par une sorte de divination, il était parvenu à reconstituer le récit exact de l’anodin chroniqueur de Saint-Louis. L’abbé Sellier, dans un mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, déclara qu’il fallait être doué d’une prodigieuse sagacité pour corriger, sans aucun secours, les fautes d’un manuscrit défectueux. Ce trait suffirait seul pour établir la gloire durable de Du Cange, s’il n’en avait pas fourni une foule d’autres aussi remarquables.

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Histoire de la Noblesse
et autres Ordres du Royaume.

Du Cange, dans son travail sur l’histoire de France, s’arrête à Saint-Louis. Il pensait qu’il avait suffsamment éclairci nos origines nationales, et que les mémoires de nos chroniqueurs des siècles suivants étaient des guides assez surs pour permettre de connaître et d’écrire notre histoire. Il était dans le vrai. Après Joinville, viennent Jehan Foissart, Philippe de Commines et bien d’autres chroniqueurs qui racontent les événements dont ils ont été spectateurs, ou qu’ils ont connus par le récit de témoins oculaires.

A dater de la fin du règne de Saint-Louis, Du Cange ne s’attache plus qu’à l’étude des titres des familles nobles du royaume. Afin de mettre à exécution ce vaste projet, il réunit un nombre prodigieux de documents qu’on évalue à plus de 20, 000, et qui forment un Nobiliaire général. C’est l’Histoire des grands fiefs du royaume, par celle des familles qui les ont successivement possédés. Il remonte à l’origine de ces fiefs, et en suit l’histoire jusqu’à l’époque de leur réunion à la couronne ou à d’autres souverainetés. Là, se trouve consignée l’histoire de douze cents fiefs et familles classés par ordre alphabétique. Ce Nobiliaire général, dont la plupart des articles avaient reçu une rédaction défini-