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NOTICE

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

DE CHARLES DUFRESNE DU CANGE

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La France a eu la gloire de produire de grands historiens. Le plus érudit de tous, celui qui a fait preuve, dans ses recherches et dans ses appréciations, d’une science profonde et d’une sorte de divination est certes Du Cange.

Et c’est au XVIe siècle, dans ce siècle si brillant par le style, l’esprit et le génie de ses littérateurs, que nous voyons paraître Du Cange, ce savant modeste, laborieux, doué d’une admirable sagacité, d’un sens parfait qui n’ambitionne ni l’éclat, ni la gloire. Il se consacre entièrement à l’étude si abstraite de l’origine des langues et des institutions du moyen-Age. Loin de chercher à impressionner ses lecteurs par des récits dramatiques, par des tableaux émouvants, il ne s’écarte jamais de la réalité ; il déchiffre les vieux manuscrits, relève les erreurs qu’ils contiennent, et rectifie les textes altérés par l’ignorance des copistes.

Comme ces hardis ingénieurs qui passent leur existence, au fond des mines, à découvrir des filons de métaux précieux, Du Cange se livre entièrement à des travaux d’explorations historiques qui lui permettent de doter d’immenses richesses le monde savant.

A côté des chefs d’oeuvre littéraires du XVIIe siècle, qui exercèrent une si heureuse influence sur la formation définitive de notre langue, nous devons placer, avec honneur, ces travaux d’une prodigieuse érudition, dus à d’illustres écrivains, dont l’unique mobile était l’amour de la vérité. C’est dans ce siècle que parurent des ouvrages, véritables trésors de science qui ont enrichi nos bibliothèques. Voici le Gallia Christiana, puis les Annales Benedictins et le Traité de Re Diplomatica, où Mabillon est parvenu à expliquer les textes si obscurs des anciens titres et documents.

Viennent ensuite : les Mémoires de Tillemont, le Spi-


cilegium Benedictinum, l’Art de vérifier les dates, la Critica de Pagi, l’Historia ecclesiastica de Noël Alexandre, l’Histoire littéraire de la France, et le Glossarium de Du Cange.

Ne sont-ce pas là d’admirables ouvrages qui nous permettent de fouiller dans les catacombes du moyen-Age, avec ces flambeaux qui répandent partout la lumière ? Plus d’erreurs possibles, plus de recherches inutiles, plus de longs tâtonnements. L’historien s’avance, d’un pas sûr et rapide, dans ce labyrinthe où les érudits, du XVIIe siècle sont des guides si expérimentés.

En tête de ces ouvrages, nous devons placer le Glossarium mediae et infimae latinitatis. Ce Dictionnaire encyclopédique a valu à Du Cange le titre si bien mérité de Père de la grande école historique française, que lui a décerné M. Magnin, président de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, lors de l’inauguration de la statue élevée, en 1849, par la ville d’Amiens au plus illustre de ses enfants.

Nous allons tracer la biographie de cet écrivain, que les magistrats les plus éminents de son temps considéraient comme le savant des savants et le plus citoyen des citoyens. Le Chancelier d’Aguesseau et le célèbre Procucureur Genéral Joly de Fleury ne parlaient jamais de Du Cange qu’avec une extrême vénération et un profond respect

Sa famille, originaire de Calais, prit une part glorieuse à la résistance héroïque que cette ville opposa, en 1347, à l’armée anglaise. Elle était d’une ancienne noblesse ; Du Cange, qui dans ses recherches avait trouvé beaucoup de textes concernant ses ancêtres, ne les publia jamais. Une seule fois, dans son Histoire de Calais, il y fit allusion, mais avec une discrète réserve. Ces titres


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