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Les efforts pour frauder l’octroi et le trésor sont incessants ; rien de plus triste qu’une pareille étude, car elle jette un jour très-douloureux sur la moralité générale. Sous le gouvernement de Juillet, pendant que l’on discutait une loi de douane, un député dit à la tribune : « Le seul moyen de tuer la contrebande, c’est de proclamer le libre échange. » Cela est vrai, mais n’est point à l’honneur de l’espèce humaine.

La petite fraude, celle qui se fait aux barrières, revêt les formes les plus baroques pour n’être point découverte. Une chambre placée sous les combles de l’administration, et que l’on nomme le musée, contient un spécimen de tous les ustensiles saisis, fausses poitrines de nourrice, fausses apparences de « situation intéressante », chapeaux d’homme à double fond, colliers de harnachement creux, bancs de voiture évidés, tabourets rembourrés d’un récipient en zinc, camisoles en caoutchouc qui peuvent facilement contenir 25 ou 30 litres. Dans un accident de chemin de fer récent, le mécanicien pris sous la locomotive eut les deux cuisses broyées et fut tué ; lorsqu’on lui enleva ses vêtements avant de l’ensevelir, on le trouva enveloppé d’un gilet gonflé d’alcool. Quand j’ai visité le musée, j’y ai vu une vingtaine de rouleaux de toile semblables à ceux que les marchands de blanc réunissent sur l’impériale de leur voiture de transport et maintiennent à l’aide d’une forte courroie. Ce truc était nouveau et réellement ingénieux. L’affaire fut très-habilement menée par les agents du contrôle général, qui se méfiaient d’une tapissière sur laquelle était écrit en très-grosses lettres : toiles et nouveautés. L’enseigne était trop éclatante ; ils « filèrent » la voiture, dont les allures leur semblaient suspectes. Les premiers soupçons avaient été éveillés le 23 mai 1872 ; dès le lendemain, la tapissière de si bonasse apparence était entourée et arrêtée au moment où