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Plus les villes de guerre sont populeuses, moins il est facile de les défendre efficacement : la famine y fait son œuvre plus vite et mieux que la stratégie ; deux millions d’habitants sont une cause d’affaiblissement à laquelle nul héroïsme ne peut résister. L’ennemi, vainqueur par capitulation discutée, respectera cette ville, dont la splendeur affaiblie a encore de quoi surprendre ; Paris ne sera pas tué, Paris se tuera lui-même. Certaines maladies conduisent fatalement au suicide ; la folie névropathique compliquée de monomanie des grandeurs dont Paris est atteint, est une de ces maladies-là. Que faudrait-il pour conjurer le destin, pour éviter ce sort misérable et même pour ressaisir de glorieuses fortunes ? Le cardinal Mazarin a depuis longtemps répondu à la question, lorsqu’il a dit : « C’est un grand malheur qu’il suffise, pour placer la France au plus haut degré de prospérité, que les Français soient dévoués à la France, et qu’on ne puisse l’obtenir ! »

Toutes les grandes villes ont péri de mort violente. L’histoire universelle est le récit de la destruction des capitales ; on dirait que ces corps pléthoriques et hydrocéphales doivent disparaître dans des cataclysmes. Elles peuvent renaître, mais si profondément modifiées qu’elles ne sont plus elles-mêmes ; dans la Constantinople des Padischahs, qui reconnaîtra la Byzance des empereurs d’Orient, et dans la Rome de la papauté, qui reconnaîtra la Rome des Césars ? L’âme primitive s’est envolée, et s’il reste quelques membres que l’on puisse rassembler jusqu’à leur donner une existence nouvelle, le souffle qui les anime n’est pas celui dont elles ont vécu jadis.

Il y a des villes qui ont une âme immortelle ; on dirait qu’elle se diffuse dans l’univers entier et qu’elle vibre dans le cœur de tous les hommes. En Grèce, le