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avec ce plan de destruction combinée, si l’on met obstacle au renversement social qu’elle entrevoit à travers les fumées de l’absinthe et de la vanité, cette armée est nombreuse. Je le dis de nouveau, car ou ne saurait trop le répéter : elle a pour soldats la grande phalange des vagabonds, des insoumis, que la chiourme n’a pas ferrés au banc des bagnes et qui se jettent avec joie dans toute bataille, pourvu qu’elle soit à outrance et qu’il y ait des aubaines ; elle a pour sous-officiers, pour officiers subalternes la tourbe des ouvriers ivrognes, rêveurs et abusés ; pour chefs, elle à ces déclassés de la bourgeoisie que la paresse a repoussés hors de la voie droite, qui ont essayé de tout, n’ont pris racine nulle part, qui se sont fait des principes avec leurs rancunes, des opinions avec leurs ambitions justement déçues et qui, en haine de toute supériorité, voudraient courber le monde sous le niveau de leur implacable médiocrité. Si cette légion du drapeau rouge se lève en armes contre nos institutions, si elle n’est pas refoulée, étouffée sur place, si elle à une heure de victoire, c’en est fait de Paris : Dî omen avertant !

Le danger que Paris renferme à l’état latent comme un volcan qui couve, est réel ; la guerre intérieure est, à ce point de vue, bien plus à craindre que la guerre étrangère. Des villes peuvent être mises à sac, lorsque l’assaut les a forcées ; mais quelle armée ennemie serait assez dénuée d’intelligence pour tenter une telle aventure contre nos murailles ? En admettant que les rigueurs de l’avenir réservent un nouvel investissement à Paris, celui-ci brisera les lignes de ses adversaires, donnera la main aux troupes en campagne et se délivrera, ou il échouera dans ses efforts ; et, renfermé sur lui-même, dévoré peut-être par ses convulsions intestines, il attendra l’heure lugubre de la faim qu’il a déjà entendue sonner.