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noche triste, dont les compagnons de Cortez avaient conservé la mémoire, en comparaison de cette nuit sinistre ? Tant de ruines accumulées étaient le résultat d’une nouvelle application scientifique. L’emploi des huiles minérales a fait passer un fleuve de feu sur nos palais et sur les témoins de notre histoire. Le pétrole est devenu un dieu : il a ses dévots, il a un culte.

Dieu éphémère, rejeté au rang des idoles dont la puissance est douteuse et déjà ridiculisé par ses anciens adeptes. On le trouve lent, inefficace dans bien des cas et trop timide lorsqu’il a affaire à des pierres de taille que le temps n’a pas encore desséchées ; il s’arrête et recule devant elles, comme on l’a vu au pavillon neuf des Tuileries, qu’il a laissé intact. Pour le troisième acte de la tragédie, qui, selon ses dramatiques personnages, doit être le dernier, on compte adjoindre au pétrole ces matières explosibles qu’il est inutile d’énumérer, car chacun les connaît.

Ceux qui ont inventé les bombes à main, qui ont chanté l’hymne à « la petite balle », veulent des moyens expéditifs, et, comme ils disent, en finir une bonne fois pour toutes. Pendant la longue lutte qui a duré cent soixante-huit heures, ils ont combattu et assuré leur retraite en allumant l’incendie sous les pas des soldats : vieille tactique abandonnée et qui n’est plus digne des hommes du « monde nouveau ». Dorénavant on fera d’abord sauter des quartiers entiers, puis on y versera le pétrole, ensuite on se battra si quelqu’un survit encore. Que le lecteur ne s’imagine pas que je suis la proie d’un cauchemar et que je prends mes funèbres rêveries pour des possibilités admissibles : je n’ai rien avancé dont je n’aie eu la preuve en main.

Rendre la population de Paris responsable de ces horreurs préméditées, ce serait commettre un crime de lèse-nation ; mais l’armée prête à entrer en campagne