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s’inspire sans peine dépassent toute proportion ; les quatre mois et demi d’investissement qu’il a supportés lui ont fait perdre la tête. Pendant cette période, chacun s’ingéra à prouver au Parisien qu’il était un peuple héroïque ; il se laissa faire avec complaisance et il ne fallut pas de longs efforts pour le convaincre ; jamais grand Mogol, ni grand Lama, jamais Padischah, « qui est l’ombre de Dieu sur la terre, » jamais Kalife abasside se voilant la face pour ne pas éblouir ses sujets, ne fut plus encensé, plus adulé, plus flagorné par des gens de toute sorte et de toute condition : orateurs de clubs, académiciens, journalistes, diplomates, hommes d’État et boutiquiers rivalisaient d’un zèle qui eût fait rire s’il n’eût soulevé le cœur. On avait peur du monstre démuselé, on voulait le calmer et chacun cherchait à lui passer la main sur le dos ; peine inutile ! le 18 mars couvait dans ces cerveaux faibles et violents. Lorsque le crime fut consommé, les flatteurs de ce peuple puéril et cruel durent se demander avec remords quelle part ils avaient dans un pareil désastre. « O Démos ! dit le chœur des Chevaliers d’Aristophane, tu es un roi puissant, tout tremble devant toi ; mais on te mène par le bout du nez ; tu aimes qu’on te flatte et que l’on te dupe ; tu écoutes les orateurs, bouche béante, et ton esprit bat la campagne ! »

La bourgeoisie prêchait l’obéissance, la concorde, l’effort unanime dirigé contre l’ennemi qui battait l’estrade jusqu’à nos portes ; les déclassés de toutes les carrières, ceux qui, en haine de la poésie, veulent jeter Homère aux Quinze-Vingts, ceux qui, par jalousie personnelle, font « déboulonner » nos colonnes triomphales ; tous ceux, en un mot, auxquels la fortune, le talent, la réputation d’autrui font horreur, disaient qu’il fallait se réserver pour l’action intérieure, pour la revendication des droits méconnus. Ceux-là seule-