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dépravés, que des poëtes mal inspirés ont essayé de glorifier, qui firent l’étymologie de leur nom banal de la voie publique, où ils vaguent, comme des chiens errants, tous les « voyous » en un mot, se jetèrent dans le combat avec la curiosité, l’insouciance et l’entrain de leur âge. Très-flattés d’être traités comme des hommes et d’avoir un fusil, ils furent intrépides aux avant-postes, et particulièrement redoutables derrière les barricades. Ils y allaient comme à une partie de plaisir. « Pour une grande portion du peuple, dit Marat qui s’y connaissait, la révolution n’est qu’un opéra[1]. »

Il serait puéril de dire que la population adulte, issue de familles parisiennes et née à Paris, n’a pris aucune part à ces actes violents, mais on peut affirmer qu’elle n’y était guère, comme en juin 1848, qu’en minorité très-faible. Il faut se rappeler qu’après le 18 mars on a fait venir à Paris, au prix de sacrifices que la caisse municipale eut à supporter, tous les débris de légions étrangères, de francs-tireurs exotiques, de « vengeurs » sans nationalité qui, pendant la guerre, avaient combattu en partisans. Indépendamment de cette cause accidentelle, la composition même de la population de Paris suffit à expliquer l’infériorité numérique du Parisien au jour des prises d’armes révolutionnaires.

Reprenons des chiffres déjà cités ; ils ont, en ce sujet, une importance particulière. 1 851 972 habitants composent la population normale de Paris, recensée en 1872, à laquelle il faut ajouter un groupe flottant que l’on peut évaluer à la moyenne très-restreinte de 135 000 individus présents chaque jour dans les garnis ; sur ces 1 986 972 individus, on ne compte que 642 718 Parisiens, perdus au milieu de 1 344 254 provinciaux ou étrangers. La proportion réellement parisienne est d’un tiers

  1. L’Ami du peuple, 9 juillet 1792.