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en Hollande le Klokkenlied, la chanson des horloges : Paris est la plus grande horloge du monde ; — elle a donné l’heure à toutes les nations ; — à force de vouloir la monter, on a détraqué le mouvement ; mais cela n’empêche pas le monde entier — d’avoir les yeux fixés sur cette immortelle horloge. » Sans être d’un chauvinisme exagéré, on peut admettre que la petite chanson hollandaise n’a point tort ; elle constate un fait que nul ne peut nier.

Paris à une force d’expansion inconcevable ; qu’il soit ou ne soit pas le siège du gouvernement, il n’en reste pas moins le maître de l’opinion : il la domine et presque toujours il lui donne le mot d’ordre. La royauté, isolée à Versailles pendant plus d’un siècle, regardait du côté de Paris. « Les Parisiens sont des grenouilles, il faut les laisser chanter, » disait Marie-Antoinette, et elle écoutait leurs coassements avec une épouvante qui n’a été que trop lamentablement justifiée. Ceux-là mêmes qui, dans l’enivrement du triomphe, après la chute de Paris, se sont écriés : Tombée ! tombée ! la Babylone orgueilleuse ! ceux-là tendent l’oreille et se préoccupent de ce que dit la grande ville. Alexandre, maître de la Grèce, vainqueur de la Perse, un pied sur le sol de l’Inde, déifié, plus qu’humain, fils de Jupiter Ammon, s’inquiétait de savoir ce qu’Athènes pensait de lui.

Cette supériorité exaspère bien des gens, non-seulement parmi les étrangers, mais même parmi les Français ; récemment un député demandait, en haine de Paris, que la subvention de l’Opéra fût distribuée à tous les théâtres lyriques de la province : sottise peu avouable et commise par un homme qui n’a pas compris que l’Opéra attire et retient à Paris des voyageurs dont la dépense restitue au centuple à l’État la subvention incriminée. Malgré les colères qu’il inspire, Paris