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dien qui se perce les lèvres pour y insérer des botocs, ni de nos femmes qui se percent les oreilles pour y suspendre des diamants ; tout cela est affaire de mode, et la mode est la recherche toujours vaine, souvent ridicule, parfois dangereuse, d’une beauté supérieure idéale.

Paris est passé maître en l’art de faire varier la mode qui lui vaut une bonne partie de sa fortune ; ses ouvriers excellent à vendre et à vendre fort cher ces riens visibles que l’on appelle des formes. Une étoffe de 200 francs en vaut 1 200 quand elle sort façonnée de chez le bon faiseur ; lorsque l’on donne un bal important à Pétersbourg, à Moscou, à Londres, Paris en sait quelque chose et les layetiers ne suffisent pas à emballer les chiffons, les fleurs, les plumes qui coûtent beaucoup plus que leur pesant d’or. Les idées françaises se sont, pendant longtemps, glissées sous les falbalas et ont troublé bien des têtes.

Un des plus implacables adversaires que la France et Paris spécialement aient rencontrés, le comte Rostopchin, le même qui brûla Moscou, ne peut s’en taire : « J’ai reconnu en cette ville la maîtresse de l’Europe, car on a beau dire, tant que la bonne compagnie parlera français, que les femmes aimeront les modes, que la bonne chère fera les délices de la vie, que l’on aimera les spectacles, Paris influera toujours sur les autres pays. Il est certain qu’aucune ville du monde ne possède une aussi grande quantité d’hommes instruits, savants et estimables, » Rostopchin n’est pas toujours aussi aimable et il ne se gêne guère pour déclarer que Paris est une maison de fous. Éternel contraste, qui se reproduit nécessairement dans un centre si prodigieusement rempli ; que l’on regarde vers les cabarets, c’est un peuple d’ivrognes ; vers les ateliers, c’est un peuple de travailleurs ; vers les casernes, c’est un peuple de soldats ; vers les laboratoires, c’est un peuple de