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rent. La libre pensée flotte autour de lui, l’assaille, le sollicite, mais ne le pénètre que bien peu.

À cet égard on peut donner des chiffres concluants. En 1872, les naissances, à Paris, ont été au nombre de 56 894 (on ne porte jamais les enfants Israélites à la synagogue) ; — 48 763 ont été présentés aux églises et aux différents temples de la réformation ; pour 21 373 mariages, 18 250 couples ont reçu la bénédiction des cultes catholique, protestant et Israélite ; enfin, sur 45 780 inhumations, 5 841, dans lesquelles il faut en compter 195 effectuées par la Morgue, ont été faites « civilement ». La proportion est minime, mais elle deviendra certainement plus considérable, si l’on est assez malavisé pour appliquer des mesures rigoureuses à ceux qui font acte de « libres-penseurs » et dont on a spirituellement dit : « Il ne leur manque, pour mériter ce titre, que de penser d’abord, puis de respecter la liberté des autres. » Ils crient à l’intolérance lorsqu’un prêtre, usant de son droit, refuse les prières consacrées à un homme qui s’est suicidé, ou qui faisait profession d’athéisme ; il faut savoir ne pas les imiter en cela et ne pas mettre obstacle à des manifestations qui, on peut en convenir, sont souvent puériles, mais qui cependant peuvent, dans bien des cas, être un besoin de la conscience même. Lorsqu’un prêtre se présenta au chevet de Lamennais mourant, et lorsque celui-ci refusa de le recevoir, ils furent l’un et l’autre dans la sincère expansion de leur croyance.

Le prêtre, — l’homme qui parle au nom d’une morale supérieure, qui est investi du pouvoir de répandre la parole même de Dieu du haut de la chaire de vérité, n’a-t-il pas souvent outrepassé la mesure et exigé de la crédulité humaine plus que celle-ci ne pouvait donner ? n’a-t-il pas puissamment contribué à ébranler la foi en la chargeant d’un fardeau qu’elle était incapable de por-