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contances, on fait des réclames, comme pour une représentation théâtrale[1].

Certains prédicateurs, dont la race paraît éteinte aujourd’hui, Ravignan, Lacordaire, avaient le don de passionner les esprits ; la mode s’y était mise, on « faisait queue » pour aller les entendre, on s’accommodait avec les suisses afin d’avoir des places réservées, et l’on était fort surpris de retrouver là le public qui, le soir, allait applaudir Rachel à la Comédie-Française. L’éloquence de la chaire satisfait une des plus nobles curiosités de l’intelligence ; elle attire les lettrés et les gens de bonne compagnie ; il le savait bien ce curé de Saint-Sulpice qui disait au prône, en mars 1751 : « À six heures on prêchera pour le peuple et les domestiques ; on leur parlera de la religion tout naturellement. »

Entre ceux qui voudraient faire de la cité un couvent, des habitants un troupeau de moines, et ceux qui, répudiant toute croyance, évoquent le néant et rêvent la suppression du culte extérieur, il y a une juste mesure que le Parisien semble avoir saisie ; certes, il ne fera pas comme ce paysan des Vosges, notre contemporain, qui acheta de son curé un hectare de Paradis pour une somme de 20 000 francs une fois versée ; dans certains miracles dont on lui parle, il distingue des accidents pathologiques qui se reproduisent chaque jour dans les asiles d’aliénés ; mais il sait que ces sortes de choses, dont on fait beaucoup trop de bruit, n’ont rien de commun avec la religion et que celle-ci reste intacte malgré la maladresse de ses amis excessifs et l’acharnement de ses adversaires. Même lorsqu’il ne pratique pas, il va demander la consécration de l’Église pour son mariage, pour l’enfant qui lui est né, pour ses parents qui meu-

  1. « Le Vendredi Saint, de midi à trois heures, on exécutera à la Madeleine les Sept Paroles du Christ, de M. Théodore Dubois, avec soli, chœur et orchestre, sous la direction de l’auteur. » (Presse du 2 avril 1874.)