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celui qui nous est imposé. Il vaut mieux s’en aller en fumée, être un peu de cendres, que de se désagréger lentement, de se vaporiser, de se saponifier et de « devenir un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue », comme a dit Bossuet.

Puisque l’incinération est interdite, et que nos cimetières gorgés, trop étroits, mal situés, en contradiction flagrante avec la loi, sont devenus insuffisants, il faut courir au plus pressé et se débarrasser de nos morts, qui vont devenir un danger public, si l’on ne se hâte pas de leur créer l’ample nécropole dont nous avons besoin. Si, au commencement du siècle, des moyens de transport et de locomotion imparfaits ont contraint l’administration municipale à ouvrir les cimetières à la porte même de Paris, il n’en est plus ainsi actuellement : un chemin de fer fait dix lieues pendant qu’un corbillard franchit la distance qui sépare la Madeleine de Saint-Ouen. En outre, Paris n’a pas de territoire ; il ne possède que lui-même ; les terrains qui l’entourent sont, pour la plupart, couverts de maisons de campagne et ont une valeur excessive. C’est donc au loin et à l’aide d’un railway qu’il faut aller chercher notre cimetière futur. Cette idée a déjà été émise ; elle a fait du bruit en son temps ; M. Haussmann avait voulu la mettre à exécution, mais les modifications survenues dans le gouvernement l’empêchèrent de suivre son projet jusqu’au bout, et les administrateurs qui ont passé à la préfecture de la Seine ont été empêchés de la reprendre par suite des circonstances douloureuses que l’on sait. La résistance soulevée par la translation de nos cimetières fut excessive. Sur cette question, où il est si facile de faire de la sentimentalité, on cria au sacrilège, et, sous prétexte de respecter les morts, on s’inquiéta fort peu du salut des vivants. L’opposition saisit l’occasion avec empressement, et beaucoup de provinciaux