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entouré d’une grille, planté de pensées et de violettes, sans qu’il y ait là un nom, un emblème, pour indiquer quel est celui qui dort sous cette terre anonyme, on ne se doute guère que l’on est devant la sépulture de Michel Ney, duc d’Elchingen et prince de la Moskova. Les passions qui poussaient les foules vers les cimetières se sont éteintes et ont été remplacées par d’autres ; la politique n’est pas immuable : elle change souvent d’objets et de principes. La chute d’un gouvernement donne le repos à bien des tombes : depuis la révolution de Juillet on ne pense plus à Lallemand ; depuis la révolution de Février on ne pense plus à Godefroy Cavaignac ; depuis la révolution de Septembre on ne pense plus à Baudin.

Un tombeau, un seul, attire toujours les curieux et les remplit d’émotion : c’est celui d’Héloïse et d’Abeilard ; la grande construction gothique, la prétendue statue des deux amants, le petit parterre très-bien entretenu par l’administration, sont entourés de gens réellement impressionnés, qui ouvrent de grands yeux, se racontent la légende et déposent des fleurs. Les jeunes mariés y viennent et les amants aussi : se tenant par la main, ils font serment de s’aimer toujours et la couronne qu’ils jettent au pied du mausolée est une oblation à ces deux victimes de l’amour sincère. Le tombeau est isolé du public par une grille : sage précaution que l’on a été obligé de prendre, car la pierre est tailladée de noms inscrits au couteau.

On sera peut-être forcé d’en faire autant pour la tombe de Rachel, qui est debout à l’entrée du cimetière exclusif réservé aux Israélites. C’est une sorte de monument rappelant l’entrée des spéos égyptiens ; les pieds droits et le linteau de la porte, les parois extérieures disparaissent littéralement sous les inscriptions ; tous les admirateurs, tous les amoureux posthumes de celle