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sait pêle-mêle, les uns par-dessus les autres, 1 200 et parfois 1 500 corps. Lorsque le terrain était comblé, ce qui arrivait souvent, on déterrait les plus anciens morts et on jetait leurs ossements dans les galetas qui surmontaient les arcades. La moyenne des inhumations était, dit-on, de 2 000 par an.

L’espace était fort restreint, tout l’emplacement, — y compris l’église, — enfermé par la rue de la Lingerie, la rue Saint-Denis, la rue de la Ferronnerie et la rue aux Fers, contenait 1 700 toises carrées[1]. Le typhus régnait en permanence dans les maisons voisines appuyées contre les murs mêmes du cimetière, qui, enveloppé de toutes parts de hautes constructions, ressemblait à un vaste puits dont le fond n’était en quelque sorte que de la pourriture humaine. Dès 1554 on s’émut de ce danger permanent. Deux très-savants médecins de l’époque, Fernel et Houillier, furent chargés d’étudier la question et d’en faire un rapport. Ils conclurent à la suppression immédiate et ne furent point écoutés. Le temps passe, le péril augmente, les habitants voisins poussent des cris de détresse ; l’Académie des sciences délègue en 1737 trois de ses membres, Lemery, Geoffroy, Hunauld ; leurs conclusions sont conformes à celles de Fernel et ont le même sort.

Il faut dire pour expliquer, sinon excuser de tels ménagements envers ce lieu de putridité, que le peuple de Paris aimait son cimetière : on lui donnait là le spectacle de belles processions, avec encens et psalmodies, à certains jours de fêtes carillonnées ; il y venait volontiers, non pour évoquer les âmes des aïeux, mais pour faire sa prière en l’église des Saints-Innocents, populaire entre toutes, pour admirer les monuments funéraires, les chapelles d’Orgemont, de Villeroy, de Pommereux,

  1. La contenance exacte du cimetière était de 7 160 mètres carrés ; celle de l’église, 1798 mètres : total, 8 958 mètres carrés.