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noisement comment nous essayons à sortir de nos ruines, ce n’avait été un spectacle pitoyable. Bien des fois on a cherché à introduire des modifications importantes dans le mode d’enseigner ; mais il faut croire que l’on a fait fausse route, car les tentatives n’ont abouti à rien. Ce qui pèse sur l’enseignement secondaire, c’est un système, une tradition si lourde, qui parait si imposante, qu’elle neutralise tous les efforts et que les ministres y perdent leur latin. En effet, si dans ce siècle-ci on a pu créer l’enseignement primaire, qui n’existait réellement pas, on a reçu du passé une méthode d’enseignement secondaire qui fut célèbre, qui a été aveuglément suivie, et qui est absolument insuffisante aujourd’hui.

Ceci demande une explication.

Lorsque, de 1806 à 1808, Napoléon reconstitua l’Université, il n’y avait plus de corps enseignant en France ; les ordres religieux scolaires, détruits et dispersés par la révolution, ne s’étaient point reconstitués ; on avait ouvert par-ci par-là de médiocres pensions libres où l’on apprenait quelques bribes de latin et de français. On se souvint alors que les pères jésuites avaient eu de grands succès dans l’enseignement pendant le dix-huitième siècle et que tout homme qui avait eu une valeur quelconque était sorti de leurs mains. En effet, ils avaient excellé à faire ce que l’on appelait des sujets brillants, fils de la noblesse, de la finance, de la robe, de la bourgeoisie, qui, devant entrer fort jeunes dans le monde et parler de tout sans dire trop de sottises, effleuraient la surface des choses et n’approfondissaient rien. C’est aux jésuites qu’on doit les résumés, les conciones, les excerpta, les selectœ, qu’il suffit de lire attentivement pour avoir l’air de savoir quelque chose : méthode très-facile, mais décevante au premier chef, car elle est tout extérieure, absolument superficielle et ne touche jamais à la réalité des choses.