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ils sont à la sortie des théâtres, ils vaguent sur la voie publique, tenant à la main leur lanterne numérotée par la police, criant à tue-tête : Voilà le falot ! Ils vont chercher des fiacres, ils aboient les voitures de maître, ils accompagnent les passants attardés jusqu’à leur domicile, montent à leur appartement et y allument les bougies. On prétend qu’ils rendaient volontiers compte, le matin, au lieutenant général de police de tout ce qu’ils avaient remarqué pendant la nuit, et qu’en cas d’alerte ils couraient avertir le guet. Cela est fort possible et n’est point fait pour nous surprendre ; de vieilles estampes nous les montrent portant la lanterne de la main gauche, tenant un fort gourdin de la main droite, et précédant un jeune couple qui n’a pas l’air de penser aux voleurs. Ils traversent toute la Révolution, et je les retrouve encore aux premiers jours du dix-neuvième siècle, car dans l’arrêté du 12 messidor an VIII, qui détermine les fonctions du préfet de police, il est dit (section iii, article 32) : « Il fera surveiller spécialement les places où se tiennent les voitures publiques pour la ville et la campagne, et les cochers, postillons, charretiers, brouetteurs, porteurs de charges, porte-falots. »

Pendant toute la durée de la période révolutionnaire, on ne s’occupa guère de l’éclairage ; le mot ne se trouve même pas sur les répertoires du Moniteur universel. Cependant le réverbère jouera son rôle, un rôle sinistre ; le cri : À la lanterne ! a retenti plus d’une fois, et plus d’une fois aussi la corde passée autour du cou d’un malheureux a servi à hisser celui-ci au sommet des immenses F de fer qui s’élevaient sur les ponts et sur la place de Grève. Nous précédions les Américains dans l’application de la loi de Lynch, loi cruelle, absurde, aussi inexorable pour le bourreau que pour la victime, car elle conduit infailliblement les peuples