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dix-septième siècle. Il avait remarqué que l’épreuve d’imprimerie faite à la brosse porte au verso un relief assez accentué, qui reproduit à l’envers les lettres noires du recto ; il comprit dès lors qu’il était facile de donner aux caractères une saillie qui suffirait à les rendre distincts au toucher. Il fit donc fondre des caractères directs, — c’est-à-dire présentant la lettre telle qu’elle doit être posée pour être lue ; — mis en forme et placés sous la presse, ils se moulaient sur un papier fort, préalablement très-mouillé et maintenu par deux ou trois feutres épais qui permettaient à la pénétration de s’exercer en toute liberté. Il imprimait la musique de la même façon.

Il voulut aussi apprendre à écrire aux aveugles ; là il fut moins heureux. Il eut beau inventer un cadre qui contenait la feuille de papier, une règle mobile qui servait de point d’appui à la main, une encre très-épaisse mêlée de gomme adragante et qu’on saupoudrait de grès porphyrisé, il ne réussit jamais qu’imparfaitement. L’aveugle écrivait tout de travers, les lettres chevauchaient les unes par-dessus les autres, et le plus souvent il ne parvenait pas à se relire. C’était donc là un tour de force plus curieux pour les spectateurs qu’utile à l’infirme lui-même. Aussi presque tous les aveugles préféraient se servir de lettres mobiles qu’ils assemblaient sur des tablettes disposées de telle sorte que la queue des caractères pouvait être engagée dans des entailles. Ces diverses inventions étaient immédiatement expérimentées par Lesueur, dont les progrès confirmaient les théories du maître. La période des tâtonnements avait pris fin ; il fallait appeler le public à juger l’œuvre entreprise, et les aveugles à en profiter. Valentin Haüy obtint que l’Académie des sciences, avec laquelle il fut mis en rapport par son frère, examinerait son élève. Lesueur lut, écrivit et calcula.