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doit faire naître les circonstances concordant à l’idée qu’on veut fixer chez l’élève. L’enfant qui entre à l’institution ne sait rien, on ne lui a enseigné ni à lire ni à écrire ; dans sa famille, on l’appelait en le touchant du doigt. Le premier acte est de lui apprendre comment il se nomme.

Dès qu’il est admis dans la classe, où trois pans de murailles sont couverts par d’immenses tableaux noirs, on le prend, on le place devant un de ces tableaux, sur lequel on écrit son nom en caractères bien formés, puis on lui fait comprendre à l’aide de la mimique que ce signe lui est attribué spécialement ; il doit donc le reconnaître pour sien et se présenter toutes les fois qu’il le verra tracé sur le tableau. C’est là la première opération, le baptême scolaire du sourd-muet. Ce nom est purement officiel ; entre eux, les enfants se désignent, je n’ose dire par des surnoms, — par un geste qui indique toujours un fait exclusivement physique : une dent de moins, une surdent, une cicatrice, une claudication, une déformation du visage ou d’un membre. Une fois que le sourd-muet est nommé, on procède à son instruction, et on lui apprend du même coup à lire, à écrire, à se servir de la mimique et de la dactylologie.

On emploie une proposition fort simple, d’abord à l’impératif ; on écrit sur le tableau : saute. Quand l’enfant a bien regardé, qu’il s’est bien « imprégné » du dessin qu’il a sous les yeux et qui, pour lui, n’a encore aucune signification, le professeur fait un saut, et par cela seul explique à l’enfant la concordance qui existe entre le mot et l’action ; puis, à l’aide de la dactylologie, il dicte le mot en désignant les lettres les unes après les autres, s, a, u, t, e ; il essuie le tableau, remet la craie à l’enfant, qui reproduit le dessin qu’il a vu et saute à son tour pour prouver qu’il a compris. Tel est le principe de cet enseignement exceptionnel ; il procède