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11 juin 1749, il présente un sourd-muet instruit à l’Académie des Sciences ; le 13 janvier 1751, il en produit un second ; encouragé par Buffon, par Mairan, par Diderot, par Jean-Jacques Rousseau, il continue son œuvre sans vouloir révéler le secret de sa méthode, et donne l’enseignement à douze sourds-muets. Il se servait de la dactylologie et de l’articulation ; il obtient du roi une pension de 800 livres et fut nommé son interprète pour les langues espagnole et portugaise. Il offrit de vendre son procédé au gouvernement ; la négociation fut entamée et n’aboutit pas.

L’idée ambiante gagnait de proche en proche : faire parler les muets ne semblait plus une œuvre miraculeuse ; c’était de quoi tenter plus d’une ambition. Le succès de Pereire excita l’émulation d’un nommé Ernaud, qui, lui aussi, parvint à instruire deux sourds-muets, qu’il conduisit en 1757 devant l’Académie. Il ne savait rien du système de Pereire et ne se servit guère que de l’articulation ; les malheureux qu’il exhiba en public répétaient sans doute des phrases toutes faites, apprises par cœur, qu’on leur avait enseigné à lire sur les lèvres qui les prononçaient très-lentement : c’est l’alphabet labial.

L’abbé de l’Épée entendit-il parler de Pereire et d’Ernaud ? C’est fort douteux, car, à l’époque même où celui-ci recevait l’éloge du monde savant, il perfectionnait la méthode à laquelle son nom reste attaché pour toujours. Il vivait assez pauvrement à Paris ; il s’était soumis à la bulle Unigenitus, mais il avait confessé en même temps qu’il croyait aux miracles du cimetière Saint-Médard ; il n’en fallut pas plus pour lui faire interdire le droit de prêcher et de confesser. Vers 1753, il se rendit, pour une affaire insignifiante, chez une femme veuve qui habitait rue des Fossés-Saint-Victor ; elle était absente, il l’attendit dans une chambre où se trouvaient deux sœurs