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nente. On comprendra facilement la révolution pédagogique qui s’accomplit à l’École Monge, en apprenant que l’usage des dictionnaires y est interdit ; toute explication y est orale. On y commence l’étude du latin à douze ans, lorsque l’esprit des enfants est déjà façonné par toutes sortes de notions préliminaires, et le premier livre que l’on met entre leurs mains est celui des Commentaires de César ; la traduction du texte, l’analyse grammaticale, les données historiques, les incidences archéologiques, topographiques et morales se côtoient dans la même leçon et s’éclairent mutuellement ; au bout de dix-huit mois d’un travail semblable, à la fois un et multiple, un élève d’intelligence ordinaire lit Tite-Live à livre ouvert et fait verbalement un récit latin sur un acte quelconque de l’histoire romaine. J’en ai fait l’expérience, à ma grande surprise, sur des enfants de douze à treize ans ; j’y ai mis quelque malice, et, comme l’un d’eux m’expliquait le système d’armement des soldats romains, je lui ai brusquement demandé ce que c’était que l’amentum ? Il a répondu sans hésiter. Là, les conférences ne durent jamais plus d’une heure et demie, car on a remarqué que c’était la somme de temps pendant laquelle un enfant pouvait demeurer fructueusement attentif. Des récréations libres et des récréations gymnastiques interrompent l’étude par une sorte de travail physique qui amène une rénovation des forces intellectuelles. Les promenades hors du pensionnat sont combinées de façon à donner aux enfants des notions d’art, d’industrie, de géologie, de minéralogie, de zoologie ou de botanique. J’ai visité l’institution après les congés de Pâques (1875) ; le directeur arrivait de Hollande avec quelques élèves, auxquels il avait été montrer les musées et le système de canalisation. Les résultats obtenus sont admirables ; cette institution, à peine née, est dans un tel état de prospérité, qu’elle ne sait plus où loger ses élèves, et qu’elle est obligée de faire une sévère sélection parmi ceux qu’on lui présente. Elle fera des hommes, mais je voudrais qu’elle fût école normale et qu’elle formât des professeurs, car elle distribue un enseignement qu’on ne saurait trop propager dans l’intérêt même du pays.

L’enseignement supérieur n’est pas plus riche que par le passé : en 1875 une somme de 4 444 921 francs votée par l’Assemblée a été portée à son budget ; ses recettes ont été de 4 233 347 francs 50 centimes : la dépense de l’État n’a donc été que de 191 573 fr. 50 cent. Pour être rigoureusement exact, il convient d’ajouter à ce total dérisoire un crédit additionnel de 168 000 francs, obtenu, à titre de restitution, d’une somme correspondante avancée par le ministre de l’instruction publique pour droits de présence aux examens ; la France a, en 1873, dépensé 359 573 fr. 50 cent. pour son enseignement supérieur ; ce serait ridicule, si ce n’était lamentable. Cependant on a fini par se préoccuper des mauvais aménagements de nos instituts d’enseignement supérieur ; on a construit, au Muséum