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l’or pâle en fusion, des liasses d’emplâtres chargés de poudre de cantharides, des pommades de toute sorte, des teintures de toute espèce. Dans un cabinet réservé à l’économe, les deux portes d’une armoire se referment à clef sur des flacons d’une figure peu rassurante ; c’est là une réserve digne de Locuste, de Sainte-Croix et d’Exili : réalgar et cyanure, opium et strychnine, digitaline et morphine, curare et noix vomique, isolés dans leur prison de verre, paraissent rassemblés pour des œuvres néfastes et redoutables. Lorsqu’on approche de cette armoire diabolique, on sent une insupportable odeur de musc ; au milieu des poisons, on conserve cette substance empestant qui coûte fort cher et dont on use encore quelquefois dans le traitement de certaines maladies nerveuses.

L’herboristerie répand ce doux et pénétrant parfum des fleurs desséchées, si exquis, si suave, et qui semble l’émanation de l’âme des plantes : dans de grands sacs de toile entr’ouverts on aperçoit les pâles violettes, les coquelicots d’un rouge obscur, les lichens transparents pareils à de la corne recroquevillée, les camomilles trop odorantes, les absinthes qu’on ne peut voir sans tristesse lorsqu’on pense à quoi elles servent aujourd’hui ; toute l’admirable famille des labiées, si puissante et si précieuse : les sauges, les menthes, les romarins ; puis les consolatrices, ellébores et daturas ; les bois de gaïac, les quassia amara en bûches ou en cotrets, les écorces d’orange, les coloquintes odieuses d’amertume, les safrans qui, regardés à jour frisant, ont des tons pourpres magnifiques, les reines des prés, qui poussent les pieds dans l’eau et combattent l’hydropisie, les valérianes, qui donnent aux chats de si étranges illusions ; tous les simples de la nature semblent réunis là ; cependant j’y ai cherché la mandragore qui chante et qui fait oublier : je ne l’ai point trouvée.