Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de bonnes affaires. Cette querelle ne serait que puérile si elle n’essayait de spolier les indigents ; mais le but qu’elle poursuit lui donne un caractère pénible. Avant de pénétrer dans un lieu de plaisir, l’homme riche est forcé par la loi d’ajouter une aumône destinée au soulagement de la misère : rien n’est plus juste, rien n’est plus humain ; mais prétendre que cette aumône appartient en propre au directeur et qu’il peut en disposer à son profit, c’est, selon nous, se tromper sciemment et commettre un acte blâmable.

En totalisant les recettes de l’Assistance publique, on arrive à une somme très-considérable : 13 204 280 francs ; mais elle est bien loin de suffire aux besoins qu’il faut satisfaire[1]. À moins de manquer ouvertement à son mandat, l’administration ne peut refuser de secourir ceux qui légitimement s’adressent à elle ; quoiqu’elle surveille le patrimoine des pauvres avec une économie prévoyante et jalouse, sa fortune personnelle la laisserait impuissante à faire le bien. En effet, les dépenses ordinaires, prévues et calculées d’après une longue expérience, s’élèvent à la somme de 23 806 027 francs. Entre les ressources normales et les obligations impérieuses, l’écart est énorme ; qui donc le comblera ? La ville de Paris elle-même, qui donne 10 601 747 francs à l’Assistance, afin que celle-ci puisse convenablement remplir la haute mission dont elle est chargée.

C’est là ce que Paris, le Paris administratif, dépense

  1. La fortune de l’Assistance publique a couru les plus grands dangers pendant la Commune ; elle a été sauvée grâce au dévouement intrépide de M. Guillon, receveur ; je ne crois pas devoir raconter par quel ingénieux stratagème il réussit à mettre en sûreté le patrimoine de la misère, car des circonstances analogues peuvent se présenter de nouveau et il n’est point prudent de donner l’éveil aux intéressés. Il suffira de dire que M. Guillon, qui a été décoré pour sa conduite héroïque, a pu soustraire à la rapacité des gens de l’Hôtel de Ville 3 000 000 en numéraire et 75 000 000 en titres nominatifs. On avait simplement laissé dans les caisses de l’Assistance publique une somme de 3 ou 4 000 francs qui, naturellement, a disparu.