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taines jouissances, généralement réservées aux gens riches : une femme mère de deux jumelles et réellement misérable obtient un secours de vingt francs ; va-t-elle se procurer du pain et de la viande pour elle, quelque couverture pour ses enfants, peut-être même du vin qui soutiendra son énergie ? Non. Elle se rend en hâte chez un confiseur célèbre, achète pour vingt francs de bonbons et les mange le même jour. Celle-là du moins a réalisé un rêve.

De tout temps, l’exercice de la charité a été un plaisir pour les âmes miséricordieuses et une nécessité politique pour les gouvernements ; aussi, à côté de la bienfaisance individuelle et des associations libres, on trouve l’ingérence directe de l’État qui, sous une forme ou sous une autre, organise les secours d’une façon régulière. Les ordres religieux, obéissant aux préceptes de la morale chrétienne et mus par l’esprit d’envahissement qui leur est naturel, ont souvent cherché et cherchent encore à substituer leur action exclusive à celle des particuliers et des gouvernements. Il n’y a pas longtemps que ceux-ci ont renoncé aux vieux usages monarchiques qui, plus d’une fois, donnèrent à la charité des apparences condamnables. Dans les jours de réjouissance publique, on pensait aux pauvres, mais avec cette hauteur insolente que les grands affectaient envers le menu peuple : on faisait ce qu’on appelait alors des largesses ; on jetait à la foule des pièces de monnaie et des vivres. Ces avilissantes distributions étaient de tradition royale, et elles n’ont disparu qu’avec les Bourbons de la branche aînée. Je me souviens d’avoir vu la dernière qui eut lieu à Paris, sous la Restauration.

C’était aux Champs-Élysées. Dans le quinconce de gauche en entrant, était dressée une sorte d’immense estrade en planches, semblable à une tour carrée, d’où s’échappait un ruisseau de vin violâtre ; quelques hum-