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tution même du peuple anglais, offre le spectacle permanent d’une misère abjecte côtoyant la plus grandiose des opulences. Quoique chez nous les nuances soient moins accusées elles existent, frappent les yeux, émeuvent les cœurs et bien souvent ont inspiré ces utopies socialistes qui, rêvant de réformer l’humanité d’un coup et de la rendre heureuse, n’ont, jusqu’à présent, abouti qu’à des projets impraticables, à des ruines et à des violences.

Malgré tout ce que l’on a tenté, malgré les efforts d’une bienfaisance que rien ne décourage, malgré une législation très-prévoyante qui a réuni, comme en un corps de doctrines, les mesures coutumières ou exceptionnelles dont nos pères usaient pour secourir les malheureux, on n’a que bien peu modifié l’état précaire où vit une partie du groupe parisien, et Chamfort pourrait répéter aujourd’hui ce qu’il écrivait de son temps : « En résumé, la société n’est jamais composée que de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d’appétit, ceux qui ont plus d’appétit que de dîners. » Quoi qu’on fasse, on n’arrivera jamais à rendre les dîners égaux aux appétits, car, dans bien des cas, ceux-ci sont insatiables.

Deux causes principales concourent à maintenir une partie de notre population dans la misère ; l’une est exclusivement géographique et découle de notre climat. La vie matérielle n’est coûteuse et par conséquent pénible que dans les pays froids. En Orient, où la faim est sinon détruite, du moins fort diminuée par la chaleur de la température, où l’homme ne boit que de l’eau, la misère n’existe réellement pas ; on couche sans danger à la belle étoile, on vit de légumes, au besoin de trèfle, et si l’on n’a pas de vêtements, on en est quitte pour aller tout nu. Chez nous il n’en est point ainsi. La nécessité de s’abriter pendant les nuits brumeuses, de por-