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femmes 283 sont complètement illettrées ; ainsi, sur 1 413 reclus, 753, c’est-à-dire plus de la moitié, n’ont reçu aucune espèce d’instruction.

Grâce à une pareille accumulation, l’infirmerie est toujours pleine ; elle est plus vaste ou du moins mieux aménagée que les ateliers et les dortoirs ; les lits sont placés moins près les uns des autres, une sorte d’allée médiale les sépare, et en la traversant on peut voir les malades amaigris s’agiter faiblement sur leur grabat. Tous les cas de maladies séniles semblent être représentés dans cette infirmerie ; il y a des gâteux, des aveugles, des épileptiques, des paralytiques, des incurables de toute sorte, des moribonds de toute espèce, dont la place serait dans des hospices plutôt que dans une maison de répression. On meurt beaucoup à Saint-Denis : 128 femmes, 290 hommes en 1869. Cela se comprend : la plupart de ceux qui arrivent à cette dernière étape ne tiennent plus à la vie que par un fil, et pour eux le dépôt est l’antichambre du cimetière. À ces causes inhérentes aux individus eux-mêmes, il faut ajouter celles qui ressortent de l’insalubrité de l’établissement, insalubrité singulièrement augmentée et toujours entretenue par un égout à ciel ouvert apportant dans les préaux le dégorgement des ruisseaux de la ville, et par une affreuse petite rivière qu’on nomme le Crould, qui, après avoir recueilli tous les produits chimiques des usines qu’elle met en mouvement, passe au milieu des cours, empoisonnées par ses émanations nauséabondes.

Il faut jeter par terre au plus vite cette maison de malédiction[1]. C’est bien la peine d’avoir quelques pré-

  1. C’est grâce au dévouement des employés que la répression de Saint-Denis n’a pas été détruite lors du siège de Paris. Soixante obus sont tombés sur la maison, le feu y prit onze fois, et onze fois on parvint à l’éteindre. L’autorité militaire avait converti une partie de l’établissement en maison de punition pour les soldats indisciplinés. Le nombre de ceux-ci dépassa 800, qui furent successivement mis en liberté, il