Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup d’entrain uni à beaucoup de patience pour maintenir dans les limites de la discipline ces esprits facilement inquiets et sans grande responsabilité ; les bonnes paroles réussissent mieux que les menaces, et les sévices font plus de mal que de bien. Comme je demandais à voir la cellule de punition où l’on enferme les récalcitrantes, la surveillante hésitait ; enfin elle fit jouer une grosse serrure et ouvrit une lourde porte bardée de fer. Je m’aperçus que du cachot elle avait fait une sorte de grenier à débarras ; il était difficile d’avouer plus ingénieusement que pour guider ce mauvais monde elle n’a jamais recours qu’à des mesures de douceur et d’indulgence.

Les dortoirs sont fort grands, mais l’encombrement des lits, — 100, 120 par pièce, — rend les dimensions illusoires. Parfois le nombre des détenus est tel, qu’on est forcé de réunir deux lits côte à côte et de déposer un matelas au point de jonction, de sorte que trois personnes couchent dans un espace qui normalement devrait être réservé à une seule. Car non-seulement les bâtiments s’écroulent, non-seulement ils sont si vieux, si délabrés, qu’on n’a osé y mettre la pioche pour y établir le gaz et les calorifères, mais la place manque. L’étroitesse des locaux est dangereuse au point de vue de la santé, elle rend les abus très-faciles, détruit presque toute surveillance ; elle a un inconvénient plus grave encore, elle paralyse le bien qu’on pourrait faire, car elle ne suffit pas à loger la population qui encombre ces lieux de désolation. En 1869, les entrées ont été de 1 025 hommes et 388 femmes ; les sorties de 779 pour les premiers et 252 pour les secondes ; au 31 décembre le chiffre total des détenus était de 862 : 552 hommes et 310 femmes. Pour porter un jugement sérieux sur cette population, il faut savoir que parmi les 1 025 hommes 470 ne savent ni lire ni écrire, que parmi les 388