Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’ils apprennent qu’un patron a été expulsé par mesure administrative, réunissent les pauvres petits qui appartenaient à sa bande, en saisissent la direction et les exploitent.

Le métier n’est pas mauvais. Un de ces hommes, surnommé il Cieco, vit actuellement à Londres avec une fortune évaluée à plus de 200 000 francs gagnée dans cet affreux commerce. Autrefois ils défendaient à outrance leurs prétendus droits ; aujourd’hui, plus prudents et éclairés par quelques arrêts de condamnation, ils prennent la fuite dès qu’ils se sentent inquiétés et abandonnent les enfants, qui deviennent ce qu’ils peuvent. La naïveté de leurs coutumes mêle parfois un élément comique aux faits les plus graves. En 1867, le nombre toujours croissant des petits Italiens força l’administration à user de rigueur ; les patrons furent, tous et individuellement, prévenus à domicile que, s’ils ne cessaient immédiatement leur métier, on les reconduirait à la frontière en vertu de la loi du 3 décembre 1849. On peut présumer qu’ils vont recourir à leur ministre plénipotentiaire, au ministre de l’intérieur, au préfet de police pour faire rapporter la mesure d’expulsion ; nullement : à la date du 10 octobre 1867, ils rédigent une adresse au peuple français et font leurs adieux à « la terre hospitalière, sœur de l’Italie ». L’adresse tout entière est un modèle de rhétorique et de lieux communs.

Le personnel des patrons est loin d’être irréprochable, et, si l’on pouvait fouiller dans le passé de chacun d’eux, il n’est pas douteux qu’on n’y trouvât des souvenirs médiocrement édifiants. Un inspecteur de police m’a dit : « C’est de la société bien mélangée. » Je le crois sans peine. Il y a un peu de tout : de réels virtuoses qui ne manquent pas d’un certain talent, des gens pour qui le brigandage eut quelque charme, des hommes qui ont