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populaires, communes en tous pays à ceux qui sortent un peu de la foule. Il était marié, vivait sobrement et élevait deux enfants avec les produits de son industrie ; cependant aux mois de mai et de juin 1848 il donna la moitié de son bénéfice, une fois par semaine, à la caisse de secours des ouvriers sans travail. Il est mort presque subitement en 1864, et sa veuve, tombée dans la misère, a souvent recours aux bureaux de l’Assistance publique.

Parmi ceux qui exploitent actuellement Paris, on pourrait nommer le marchand d’eau de Cologne, vêtu d’un uniforme anglais ; le sauvage à qui les « Incas » ont livré en Afrique le secret de la pâte diamantée des Arabes pour faire couper les couteaux et les rasoirs ; un vieillard qui montre une rate blanche et explique sérieusement que c’est la femelle du cochon de mer en vain cherchée par les naturalistes les plus célèbres ; le père des ouvriers, figure assez originale, moustache et barbiche, qui débite un baume unique avec lequel il a guéri la blessure reçue par Napoléon à l’attaque de Ratisbonne ; l’homme de Lyon qui, se piquant de belles manières, jongle avec les poids, et même, à l’occasion, avec les spectateurs mécontents. On n’en finirait pas si l’on voulait citer tous ces artisans de l’adresse et de la réclame qui vivent de la crédulité et de la curiosité parisiennes. C’est principalement sur les places ouvertes aux abords de l’ancienne enceinte urbaine qu’ils « travaillent » devant les fainéants, les ouvriers en goguette, les soldats en permission. En tout cas, ils ne peuvent commencer ce qu’ils nomment prétentieusement leur représentation avant huit heures du matin ; le soir, ils doivent avoir plié bagage à neuf heures en été et à six en hiver. Les cabarets des environs, les estaminets douteux qui avoisinent les barrières, savent le plus souvent à combien s’est élevée la recette de la journée.