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aliéné, se rendre compte de son état, de l’effet que le traitement a pu produire ; cinq minutes par malade donnent un total de vingt et une heures : c’est ce qu’exigerait une visite consciencieuse dans les salles. J’admets que la moitié des malades soient paralytiques, aphasiques, gâteux et incurables ; le total est encore de dix heures et demie. On ne doit donc pas s’étonner si les agités hurlent sans qu’on vienne à leur aide, et si un médecin signe machinalement un bulletin sanitaire qui depuis longtemps aurait dû être converti en bulletin de décès.

Un aveu explicite a été fait à cet égard par un spécialiste éminent, et il est bon de le citer, car il dispense de tout commentaire. Ferrus, médecin en chef de Bicêtre, et ensuite inspecteur général des asiles d’aliénés en France, a écrit : « Dans le service des aliénés de Bicêtre, où se trouvent moyennement de 700 à 800 individus, il m’a fallu plusieurs années d’une étude suivie pour prendre une connaissance exacte de chacun d’eux, ce qu’il m’eût été difficile d’obtenir si je n’avais été bien secondé[1]. »

J’ai visité beaucoup d’asiles et dans bien des pays ; j’en ai vu un qui me paraît être un modèle au point de vue du personnel médical et des soins que l’on prodigue aux malades : c’est l’établissement d’Illenau[2], que Falret père signalait dès 1845 à l’attention du monde savant dans les Annales médico-psychologiques.

Le docteur Roller, qui l’a fondé en 1837, le dirige encore ; l’infatigable vieillard semble avoir trouvé une nouvelle jeunesse, une vigueur toujours renaissante dans l’accomplissement du devoir et dans l’amour de sa profession. Pour une population d’aliénés qui ne

  1. Des Aliénés, par E. Ferrus. Paris, veuve Huzard ; in-8o, 1834, p. 206.
  2. Près d’Achern, dans le grand-duché de Bade.