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les a fait naître. On dit d’eux que la vie sans frein qu’ils ont menée, comme malfaiteurs ou comme filles, les a rendus fous ; cette opinion est plus spécieuse qu’exacte : les excès ont sans aucun doute développé, aggravé un mal qui à la fin est devenu incurable ; mais, dans le principe, c’est parce qu’ils flottaient déjà pour la plupart au-dessus de l’aliénation qu’ils ont choisi délibérément cette existence qui traverse les bouges et les geôles pour se terminer dans les cellules de Bicêtre ou de la Salpêtrière. Il y a peut-être plus d’analogie que l’on ne croit entre la récidive de certains criminels et la rechute des aliénés. Aujourd’hui les savants américains étudient l’alcoolisme et s’aperçoivent que c’est presque toujours une maladie chronique et très-souvent héréditaire. Problèmes redoutables, qu’on ose à peine effleurer, car la solution scientifique ne laisserait sans doute à l’homme qu’une responsabilité dérisoire.

C’est là le côté moral de la question, et les pouvoirs législatifs auront un jour à s’en occuper sérieusement. Quant au côté matériel, nous devons dire que l’Assistance publique ne néglige rien pour offrir aux aliénés des asiles irréprochables. Ce qu’elle a fait à Sainte-Anne, à Ville-Évrard, à Vaucluse, prouve ce qu’elle ferait si ses ressources n’étaient pas aujourd’hui plus limitées que jamais. Prise entre la nécessité de ménager les biens qu’elle administre et l’obligation de secourir les infortunes qui crient vers elle, elle prend un moyen terme et elle exige peut-être des médecins un travail que leurs forces ne leur permettent pas toujours d’accomplir. Dans les préaux d’un des asiles, j’ai vu les femmes agitées se tordre, se débattre et souffrir en présence d’une gardienne impassible. Quoi ! nous avons les anesthésiques les plus puissants, l’éther, le chloroforme, le chloral ; nous avons le chlorhydrate de morphine, l’atropine, la narcéine, et quand une lypémaniaque entre en fu-