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auraient enviée les pensionnaires de la Roquette et de Clairvaux. Si la folie artificielle peut produire la manie du vol, que penser à cet égard de la folie réelle ? Que d’ivrognes intoxiqués par l’alcool se sont « amusés » à mettre le feu à leur maison ! La plupart des incendies qui, dans la campagne, dévorent les toits de chaume et surtout les meules de céréales et de foins, sont le fait de fillettes de quatorze à seize ans, maladivement prédisposées à la pyromanie. Cet âge est particulièrement dangereux pour les jeunes filles qui ne sont déjà plus des enfants et ne sont point encore des femmes. Qui de nous n’a remarqué les troubles nerveux dont elles sont affectées et qui, lorsqu’ils offrent peu de gravité, se manifestent par une perversion du goût ? Elles mangent du charbon, de la mine de plomb, du plâtre, du papier imprimé, des araignées, de la bougie. Tout cela est fort innocent ; mais en même temps elles ont fréquemment des hallucinations.

Si ces hallucinations prennent un corps, si elles se fixent sur un individu, si la malade obéit à ce besoin impérieux de faire parler d’elle qui trop souvent tourmente les femmes atteintes d’hystérisme, qu’en peut-il résulter ? Un procès en cour d’assises, où la justice, trompée par les apparences, n’admettant pas la perversion d’un être si jeune et ne soupçonnant pas la maladie, fera des efforts désespérés pour découvrir la vérité, renversera ses habitudes, tiendra audience à minuit afin de pouvoir entendre le principal témoin qui théâtralement ne parle qu’à cette heure et passe ses journées dans la prostration. Si, d’autre part, l’accusé ne peut établir l’alibi qui le sauverait, sans perdre à toujours une femme qui s’est confiée à son honneur, il surviendra une condamnation d’autant plus regrettable qu’elle sera plus sévère. Un tel procès est impossible de nos jours, dira-t-on ; je l’espère, car la médecine légale a fait de grands progrès et est écou-