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qu’elle appelle plus souvent l’aliéniste à son aide, car bien des cas qu’elle a sévèrement jugés appartenaient à la pathologie mentale. Ce n’est pas l’esprit d’impartialité qui lui manque ; mais la science aliéniste est si jeune encore, — elle date des premiers jours de ce siècle, — elle a à lutter contre tant de préjugés, elle a des formules encore si confuses, qu’on semble redouter d’être trompé par elle. Dans une circonstance restée certainement présente à l’esprit des lecteurs, le jury, guidé par la justice, a fait preuve d’une clairvoyance que malheureusement il n’a pas toujours eue au même degré. Un enfant de quelques mois appartenant précisément à une famille de magistrats fut enlevé aux Tuileries par une fille qui, facilement retrouvée, fut arrêtée et comparut en cour d’assises. Sur le verdict du jury, elle fut acquittée. Bien jugé ! La fille était hystérique et elle avait été « contrainte par une force à laquelle elle n’avait pu résister », pour parler comme l’article 64 ; donc elle était irresponsable.

L’histoire elle-même, faute d’avoir été écrite par des hommes qui soient descendus un peu profondément dans l’étude des troubles nerveux de l’intelligence et de la volonté, a formulé bien des jugements qu’une cour de cassation scientifique invalidera quelque jour. Une impulsion irrésistible, née, chez des êtres maladifs, sous l’influence d’une cause religieuse et d’une cause politique, arme le bras de Ravaillac, que les Feuillants avaient renvoyé comme visionnaire, et conduit Charlotte Corday chez Marat. L’un est un monstre indigne de merci, l’autre est presque déifiée, et un grave historien l’appelle l’ange de l’assassinat. Tous deux me paraissent irresponsables et victimes d’un cas pathologique parfaitement caractérisé ; car l’un et l’autre ont obéi à ce que l’on nomme vulgairement une idée fixe. Pour apprécier sainement des faits de cette nature, c’est l’acte