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fermerie isolée tant bien que mal dans d’anciens bâtiments trop étroits, désagréablement distribués, branlants de vétusté et qui, depuis longtemps, auraient dû tomber sous la pioche des démolisseurs ; il est du moins hygiéniquement disposé en bon air sur la hauteur qui domine la plaine de Gentilly, mais on ne peut le parcourir sans tristesse, car il n’y a pas de spectacle plus navrant que celui de ces animaux à face humaine, chez lesquels rien d’humain ne subsiste. On est étonné que la vie se soit emparée de ces difformes apparences et ait pu s’y installer. Leur crâne déprimé, leurs yeux atones, leur lèvre pendante et baveuse, leurs gestes incohérents, leur démarche oscillante, assez semblable à celle de jeunes ours dressés sur leurs pattes de derrière, en font un objet d’étonnement et de commisération infinie. Lorsqu’on les regarde, on prend la création en flagrant délit d’erreur, et l’on se demande pourquoi l’existence a été infligée à des créatures qui doivent rester closes dans un non-être permanent.

Beaucoup d’entre eux sont aphasiques, c’est-à-dire ne peuvent parler. Ils entendent cependant, ils peuvent articuler des sons, mais il leur est impossible de retenir un mot et d’y reconnaître une valeur significative quelconque. Il y en a cependant qui parviennent à se forger deux ou trois vocables pour exprimer non pas des idées, mais des besoins matériels fort simples ; Esquirol cite une idiote qui disait pignon lorsqu’elle voulait manger et agnon quand elle avait soif. On ne peut dire qu’ils aient des vices, puisqu’ils ne comprennent pas la différence du bien et du mal ; ils ont des habitudes invariablement mauvaises et des mœurs déplorables : ce sont des singes maladroits et malfaisants.

Parmi eux, il en existe qui profèrent quelques paroles, chez qui la matière mal conformée n’a pas envahi l’âme tout entière, et qui offrent une lueur incer-