Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propice pour les faire connaître depuis le mois de septembre 1870 ; les tribunaux sont ouverts à toute réclamation, les journaux s’empresseraient d’accueillir les plaintes ; je ne crois pas que l’on en ait formulé. Pour être impartial, il convient de dire que ce sont là de ces lieux communs que l’on répète volontiers sans y attacher grande importance et sans en connaître la valeur. J’ai regardé de près dans cette question ; des masses de documents scientifiques et administratifs ont passé entre mes mains. Je ne connais qu’une séquestration arbitraire, une seule. Elle date des premiers temps du Consulat. Bonaparte, trouvant pour la quatrième fois, sur sa table de travail, deux livres infâmes envoyés par leur auteur, écrivit : « Enfermez le nommé de Sade comme un fou dangereux. » L’ordre fut exécuté. Parmi ceux qui ont eu le courage de feuilleter les ouvrages de cet homme atteint de satyriologie, qui donc oserait dire que, tout arbitraire qu’elle fût dans la forme, cette séquestration n’ait pas été justifiée ?

Pour bien connaitre les fous, il faut avoir vécu avec eux ; cette dure obligation a été dans ma destinée ; j’en puis donc parler avec quelque expérience. On se les figure ordinairement tout autres qu’ils ne sont ; en ceci comme en tant de choses, le théâtre et le roman ont perverti nos idées. On s’imagine volontiers que le fou est un être qui n’a plus une lueur de raison, qui divague sur tout sujet, qui pleure quand il devrait rire, rit quand il devrait pleurer, prend les nuages pour des éléphants, ne se rend compte de rien et ne sait même pas où il est. Un tel homme se rencontre évidemment ; le délire général existe ; il y a dans les asiles plus d’un malade dont on peut dire qu’il a réellement perdu la connaissance de soi-même et des autres, la notion de l’espace et du temps ; mais le cas le plus ordinaire est le délire partiel, et l’on se trouve alors en présence