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yeux fixés sur le soleil, sans que le plus léger tressaillement de la face pût faire soupçonner qu’ils fussent impressionnés par ce flot de lumière ardente ; leur pupille était tellement rétrécie, qu’elle était presque invisible : elle ressemblait à celle des mangeurs d’opium. — Elles aboyaient comme des chiennes ; — mais la manie aboyante est un mal fort connu : on l’appelait jadis la maladie de Laïra ; le fils du grand Condé aboyait si fort que l’on s’imaginait qu’il se croyait changé en chien. C’est une simple affection nerveuse qui n’implique nullement une altération des facultés de l’esprit ou de la volonté ; une femme peut rester femme du monde, être fort entendue à ses affaires et aboyer du matin au soir.

Du reste, l’hystérie est la maladie protée par excellence : elle prend toutes les formes ; on dirait qu’elle fait effort pour se déguiser afin de n’être pas reconnue. Aussi, chez les pauvres filles du Labourd et de Loudun, elle varie incessamment ses aspects, et toutes les fois qu’elle revêt une apparence nouvelle, c’est un nouveau diable que l’on découvre ; quand on a nommé Belzébuth, Belphégor, Astaroth, Léviathan et cent autres, quand on a épuisé tout le vocabulaire de la démonologie, on découvre encore des démons jusqu’alors inconnus ; à Loudun, c’est Allumette d’impureté ; à Aix, c’est Verrine qui obéit à Gauffridi, prince des magiciens. Verrine n’était point seul, car Michaelis, un des exorcistes employés dans cette affaire, déclare avoir chassé six mille cinq cents démons et plus du corps d’une seule des possédées.

Il y en eut parmi ces femmes surexcitées par le mal qui purent montrer des stigmates rappelant les plaies de Jésus-Christ, et l’on cria au miracle ; — mais c’est hier que vivaient les fameuses stigmatisées du Tyrol, l’extatique de Keldern, la patiente de Capriana, que des