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les violences de toutes sortes qu’il provoquait chez la plupart des femmes ; on a dû croire à une guérison ; mais un exorcisme général a ravivé l’exacerbation nerveuse des malheureuses agitées qui accusaient unanimement le diable de toutes les convulsions dont elles étaient victimes[1].

Fernel est un savant de premier ordre, ses livres de médecine sont ingénieux, son calcul déterminant la grandeur de la terre le fait immortel ; Bodin fut un grand jurisconsulte ; ni l’un ni l’autre ne sont plus sages qu’Ambroise Paré. Dans les hallucinés de sorcellerie, loin de reconnaître des malades, ils ne voient que des coupables indignes d’indulgence et qui tous, sans distinction, méritent le dernier supplice. Ces hommes si sagaces, si instruits, semblent ignorer que, dès le treizième siècle, Bacon a formulé le principe de la méthode expérimentale, en disant : non fingendum, non excogitandum, sed inveniendum quid natura faciat, aut ferat. Bodin est convaincu jusqu’à la fureur ; son livre de la Démonomanie des sorciers est l’œuvre d’un exaspéré. Après des autorités si imposantes, nul n’est plus à citer ; on dirait que toute vérité a été close, emmurée aussi dans l’in pace où mourut Édelin. Il ne faut donc pas s’étonner si, dans la petite Lorraine, un juge se vante d’avoir brûlé 800 sorcières en seize ans, et si, dans la seule ville de Genève, on en brûla 500 en trois mois. Il y a un mot cruel à dire, mais qui n’est que trop juste : c’était la mode.

Ce fut de Westphalie que vint la première lueur, du petit pays de Clèves. Un médecin nommé Wier[2] prit

  1. Cette épidémie a été étudiée et décrite avec une grande sagacité par le docteur A. Constans. Voir Relation sur une épidémie hystéro-démonopathique en 1861, par le docteur A. Constans, inspecteur-général du service des aliénés. Broch. de 106 p. Paris, 1862 ; imprimerie Thunot.
  2. Il était né en 1515 à Grave, dans le Brabant ; il s’appelait Jean Wier, ou Weyer, et ne fut guère connu de ses contemporains que sous le sur-