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roi, un empereur, un président, les malades, — si nombreux, — atteints de la monomanie des grandeurs, affirment qu’ils sont le président, l’empereur ou le roi ; lors de la loterie du lingot d’or, nos asiles étaient pleins de pauvres gens qui croyaient l’avoir gagné ; à l’heure qu’il est, de fort honnêtes femmes fatiguent les médecins de la Salpêtrière, de Sainte-Anne, de Vaucluse, de Ville-Évrard, en leur jurant qu’elles sont des pétroleuses, et des hommes d’un patriotisme irréprochable racontent en pleurant qu’ils ont guidé les Prussiens sur les hauteurs de Sedan.

Il n’y a donc rien que de naturel dans cette possession diabolique qui étreignit le moyen âge et dura si longtemps, jusqu’en plein dix-huitième siècle (procès de la Cadière, 1731). Les populations, énervées par les avanies incessantes des gens de guerre, réduites par les privations de toute sorte à un état d’effroyable anémie, ne regrettant rien du passé et n’espérant rien de l’avenir, n’étaient que trop disposées aux maladies mentales, et, ne comprenant rien aux troubles étranges dont elles étaient la proie, sortant de la stupeur pour être saisies par une surexcitation excessive, elles ne pouvaient expliquer cet état morbide qu’en l’attribuant à l’intervention du diable. Celui-ci avait bon dos, et pendant près de cinq cents ans il porta le poids de la folie et des exorcismes.

Tout était prêt d’ailleurs, on voyait des démons partout : ubique dœmon ; les adeptes d’une secte religieuse crachaient, toussaient, se mouchaient sans cesse pour rejeter les diables qu’ils avaient avalés ; la tradition est restée dans les habitudes populaires ; on dit : Dieu vous bénisse ! à ceux qui éternuent ; c’est un démon qui s’évade. Nul n’échappait à ces croyances : un prieur se faisait garder jour et nuit par deux cents hommes d’armes qui frappaient l’air de leurs épées, afin de couper