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à rendre jalouse une lingère à la mode. On est très-bon pour toutes ces vieilles femmes, qui geignent du matin au soir et sont revêches comme des têtes de chardons. D’habitude on ne les interpelle que par un petit nom d’amitié : « maman, » et les surveillantes déploient à leur égard un grand bon vouloir. En général, le personnel des surveillantes et des sous-surveillantes est excellent. Dans leur costume gris, coiffées du bonnet de tulle noir posé sur un bandeau de batiste blanche, elles ont une apparence austère difficile à définir, et qui a quelque chose à la fois de monacal et de protestant. Plusieurs appartiennent à de bonnes familles, ont été élevées à l’institut de Saint-Denis, et disent avec orgueil qu’elles sont filles de la Légion d’honneur.

Elles n’ont que des émoluments bien maigres, comparativement à la très-pénible fonction qu’il leur faut remplir : au maximum, 500 francs par an. La règle qui leur est imposée n’est point rigoureuse, mais elle les astreint à une sujétion presque constante, car c’est tout au plus si chaque mois on leur accorde deux ou trois jours de liberté. Quant aux filles de service, il y en a qu’il faut admirer ; elles sont jeunes, charmantes, et trouveraient facilement, au lieu d’une rémunération illusoire pour un métier spécialement répugnant, une existence momentanée de plaisirs et de luxe.

Les dortoirs de la Salpêtrière, du moins ceux qui ont été améliorés depuis une trentaine d’années, sont très-beaux, éclairés par de larges fenêtres et dans de bonnes conditions de salubrité. Comme on a voulu éviter l’encombrement, et que cependant il était indispensable de donner aux pensionnaires quelques meubles où elles pussent serrer leurs vêtements, tous les lits sont munis d’un grand tiroir et accostés d’une baraque, sorte d’armoire en bois blanc qui recèle les mille petits ustensiles si chers aux femmes. Lorsque la porte de ces ca-