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compagnes de chambrée, leur racontent tout ce qu’elles ont fait, et se livrent parfois à des confidences qui ressemblent bien à des confessions. Ces belles amitiés ne durent guère, les disputes leur succèdent, et, Dieu sait avec quelle acrimonie, quels verbes violents, elles se reprochent ce que la veille peut-être elles se sont confié avec abandon. Si, dans des heures d’épanchement, elles se sont entre elles dévoilé leur passé, elles le cachent soigneusement à l’administration, ce qui prouve qu’il est loin d’avoir été toujours irréprochable. Un profond mystère entretenu par elles plane sur leur origine, et il est à peu près impossible de savoir avec certitude d’où elles viennent.

Il y a parmi elles des domestiques, de petites boutiquières, des marchandes des quatre saisons, des ouvrières ; on y a retrouvé des femmes colosses qui avaient eu leur jour de célébrité dans les foires, des filles vieillies que la prostitution avait inscrites sur ses registres. C’est à la Salpêtrière que mourut la femme du fameux Coignard, le faux comte de Pontis de Sainte-Hélène, et là aussi que sont venues finir, hideuses, hébétées, détruites, bien des femmes qui, au temps de leur jeunesse, avaient vu à leurs pieds tout le Paris de l’élégance. Celles-ci, il est presque facile de les reconnaître : elles ont conservé dans le regard une sorte d’impudence volontaire qui se mêle à une expression d’indicible tristesse. Si elles ont été belles jadis, on ne s’en aperçoit guère ; la plupart sont d’une laideur inexprimable. Couchées dans leur lit, la tête couverte du bonnet blanc, le drap ramené sur les épaules, elles ressemblent à de vieux hommes ; elles ont la voix rauque et de la barbe au menton : on sait bien que ce sont des femmes, mais on est toujours tenté d’en douter. Beaucoup d’entre elles sont tellement vieilles, tellement affaiblies par tous les heurts de l’existence contre les-