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malgré les redoutables exigences imposées par la guerre, la Convention faisait ce qu’elle pouvait, et, le 5 mai 1793, elle décide que la trésorerie emploiera, pour l’année, une somme de 1 200 000 livres à l’entretien des dépôts de mendicité.

On semblait croire qu’il suffisait de décréter l’extinction de la mendicité pour que tous les mendiants disparussent ; c’est là une plaie sociale qui ne peut se guérir que très-lentement, à la suite d’un traitement moral rigoureusement suivi, et l’on ignorait que la loi est sans effet lorsqu’elle est trop exigeante[1]. Il ne manquait pas dans l’Assemblée d’hommes qui voulaient, à tout prix, bannir les mendiants de la société. Dés 1790, dans la séance du 6 juin, Lelong avait dit cette balourdise : « Il ne faudrait même pas accorder le nécessaire à ceux qui refusent de travailler. Je proposerais volontiers de les placer dans un endroit où l’eau viendrait, et où ils seraient obligés de pomper sans cesse pour ne pas être mouillés. » À la fin de 1793, la rigueur domine ; en toutes choses, l’appel à la force est le premier et le dernier argument de la discussion. Il semble que pour atteindre l’idéal de vertu dont chacun parlait, il n’y eût d’autre procédé que celui dont Médée se servit pour rajeunir le père de Jason. Le 11 brumaire, Gouly propose que tous les mendiants soient déportés à Madagascar, où nous possédions trois lieues de côtes ; on les embarquerait à Lorient, où un dépôt serait établi ; le projet de décret est adopté. Le 11 ventôse an II (8 mars 1794), Thuriot demande que le comité de secours fasse dans le plus bref délai un rapport sur les mesures à prendre pour éteindre la mendicité dans toute l’étendue du territoire français. C’est toujours la même erreur, la monarchie semble l’avoir léguée à la

  1. « La mendicité est une maladie qui tue dans fort peu de temps son homme et de laquelle on ne se relève pas. » (Vauban, La dixme royale.)