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lade est transporté à l’infirmerie, reçoit vingt et un sous par mois, et, s’il meurt, il n’est pas jeté au corbillard banal ni à la fosse commune : on lui fournit un convoi de douze francs cinquante centimes, et l’on dépose sa dépouille dans un terrain surmonté d’une croix commémorative. Autrefois le cimetière réservé aux pensionnaires de Bicêtre attenait à la maison même et longeait le chemin des Coquettes ; il a été définitivement fermé et abandonné le 15 décembre 1860. Aujourd’hui les morts sont portés au cimetière d’Ivry, à ce Champ des navets où l’on verse les épaves de la Morgue et de l’échafaud. Lorsqu’un des membres de la société de secours mutuels est décédé, tous les pensionnaires sont prévenus par une affiche appliquée sur les piliers des cours, et la plupart se font une sorte de devoir d’assister au service funèbre, qui se fait dans la chapelle élevée en 1669 par Levau, chapelle d’un style fort médiocre, comme la plupart des édifices religieux de cette époque.

Ainsi que dans tous les autres établissements hospitaliers, les différents services sont séparés ; un corps de logis spécial, vieux, mais restauré et tant bien que mal approprié aux exigences, est réservé à ce que l’on appelle les grands-infirmes. Ce sont les paralytiques, les cancérés et les gâteux. En entrant dans les dortoirs où ces malheureux croupissent, on s’étonne que la mort se soit arrêtée sur le seuil. Le spectacle d’une vie inutile, inconsciente, immobilisée, pleine de souffrance, dégoûtante, qui persiste en dépit de l’âge et des infirmités accumulées, est fait pour révolter le cœur, surtout lorsque l’on pense, — et dans de tels lieux cette impression vous saisit inévitablement, — à tant d’être jeunes, intelligents, aimés, indispensables, qui sont partis avant l’heure et ont laissé après eux des regrets que rien n’éteindra.

Les plus hideux parmi ces cadavres vivants, ceux dont