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ne rassuraient pas les geôliers ; au siècle dernier, Du Châtelet, qui par ses délations permit à la police d’arrêter Cartouche, dont il était le complice, y passa quarante-trois ans, attaché par quatre chaînes scellées dans les murailles. Quand, oppressé par l’atmosphère infecte où il vivait, il sentait ses forces s’épuiser, il contrefaisait le mort ; on le mettait sur un brancard pour le porter à la salle de repos. Pendant le trajet, il pouvait respirer à l’aise et se livrer à une débauche de grand air. On y fut pris plusieurs fois, si bien que, lorsqu’il mourut réellement, on n’y voulut pas croire, et qu’on le laissa dans ses chaînes jusqu’à décomposition presque complète. Ces cachots servent aujourd’hui de caves à la pharmacie de l’hospice.

À Bicêtre, où l’on jetait tout le ramassis des vagabonds de Paris, où de malheureux accusés de délits politiques étaient enfermés par voie de lettres de cachet, où la nourriture, insuffisante et détestable, donnait le scorbut aux prisonniers, où la discipline était d’une brutalité excessive, les révoltes furent nombreuses ; plus d’une fois la maréchaussée accourut au secours des gardiens menacés, et dut rétablir l’ordre à coups de fusil. En 1756, les détenus de la petite fosse s’étaient soulevés ; on en fusilla quatorze, et les autres furent pendus le lendemain après avoir été préalablement fouettés. Pendant les journées de septembre 1792, Bicêtre subit un véritable sac ; les massacreurs, qui rêvaient je ne sais quelle épouvantable épuration sociale, vinrent avec du canon, forcèrent les portes, assaillirent les prisonniers, et, sans pitié comme sans merci, tuèrent tous ceux qui ne parvinrent pas à s’échapper dans la campagne. Ce qui se passa là fut d’une cruauté stupide, comme tous les actes qui appartiennent à ce qu’on nomme, dérisoirement sans doute, « la justice du peuple. » On tua les criminels,