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Jusqu’en 1802, époque où le conseil général des hospices fut mis en possession d’une partie de Bicêtre, le régime intérieur fut déplorable, plus douloureux encore que celui des hôpitaux. Les vieillards, les jeunes gens, les épileptiques, les aliénés, les femmes, les enfants, les incurables de toute espèce, étaient enfermés pêle-mêle. Le rapport de M. Pastoret ne laisse aucun doute à cet égard : « Les sexes y étaient confondus comme les âges, comme les infirmités. » Pour obtenir la disposition exclusive d’un lit, il fallait payer une pension annuelle de 150 livres. Ceux qui étaient trop pauvres pour se donner un tel luxe avaient une couchette pour huit ; ils se divisaient en deux escouades de quatre personnes chacune : la première dormait de huit heures du soir à une heure, la seconde de une heure à six heures du matin. Grâce à un pareil système, chaque nuit les dortoirs devenaient des champs de bataille. Dès les premières années de l’Empire, cet état de choses fut modifié, et la maison fut meublée de manière à pourvoir aux besoins de tout le personnel. Elle n’en resta pas moins un objet d’horreur et de réprobation, car c’est là qu’on déposait les criminels envoyés aux galères qui attendaient le départ de « la chaîne » pour le bagne, et là aussi que l’on gardait les condamnés à mort jusqu’au jour de leur exécution.

Les cachots où ces malheureux étaient enfermés existent encore ; il est difficile d’imaginer quelque chose de plus bêtement cruel, et les pozzi du palais ducal de Venise n’ont rien à leur envier. C’était un souterrain divisé en une série de compartiments étroits, fermés de lourdes portes, ne recevant qu’un jour de souffrance par un soupirail ouvert dans la voûte ; devant ces cabanons s’allongeait une galerie où se tenaient les sentinelles. L’obscurité humide et malsaine devait y être insupportable. De telles cages de pierre