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aux voleurs. Ce château, qui a eu tant de destinations différentes, c’est Bicêtre.

D’où lui vient ce nom ? Sans nul doute de la contraction francisée du mot Winchester ; mais il semble que l’étymologie soit double, et qu’on soit arrivé avec deux mots d’acception très-différente à faire un seul et même nom. Toute la plaine qui s’étend entre Montrouge et Gentilly était non-seulement mal famée, mais causait une insurmontable épouvante aux bourgeois parisiens. C’est dans ces parages qu’habitait le fameux diable Vauvert dont il a été tant parlé. On y arrivait par la rue d’Enfer ; ces vastes terrains nus et très-solitaires, ouverts déjà à cette époque de nombreuses excavations destinées à l’extraction des pierres de taille, étaient fréquentés par les malfaiteurs, qui échappaient facilement aux inutiles poursuites des soldats du guet. Les voleurs y trouvaient des endroits propices pour le refuge et l’embuscade ; c’est là que, sous la Fronde, les sorciers à la mode conduisaient les dupes naïves et hardies auxquelles ils faisaient apparaître le diable. On prétendait que la nuit ces lieux maudits étaient le théâtre de rondes sataniques, et qu’on y entendait constamment un bruit de chaînes accompagné de plaintes déchirantes. Le château et la plaine qu’il dominait étaient frappés d’anathème, et nul ne pouvait en approcher sans s’exposer à un malheur. Or par quel terme vulgaire le peuple de Paris exprimait-il l’idée de malheur, d’accident, de désastre fortuit survenant sans cause explicable ? Par le mot bissêtre, d’après la vieille tradition païenne qui regardait les années bissextiles comme néfastes, et qui par infiltration était venue jusqu’à nous. Le mot subsiste encore dans quelques provinces de France, notamment dans le Berry, où il sert à désigner un homme à la fois colossal et de forme indécise qui apparaît à ceux que la mort menace. Ce