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de semblables familiarités, il veut qu’on soit respectueux les uns pour les autres et il prêche d’exemple. Si l’un de ces gamins rappelle par certain côté le bon roi Dagobert, ce qui arrive fréquemment, il le fera avertir par un de ses camarades auquel il dira : « Monsieur Edmond, veuillez avoir l’extrême complaisance de prévenir M. Gustave que le désordre de sa toilette est regrettable, et que lorsqu’il se retourne, on peut concevoir une opinion fâcheuse des soins qu’il prend de sa personne. » La commission est répétée presque mot pour mot. Je n’en croyais pas mes oreilles. Les enfants ouvrent de grands yeux, s’étonnent d’abord, finissent par comprendre ces phrases emphatiques, prétentieuses, et les substituent peu à peu à l’argot mal sonnant qu’ils avaient l’habitude de parler. Lorsque le langage se modifie, de nouvelles idées naissent et les habitudes ne tardent pas à s’en ressentir. L’emploi de termes pompeux et trop choisis frappe beaucoup les enfants ; aussi ceux de l’hospice adorent le surveillant ; il les mène au doigt et à l’œil, menace quelquefois, ne punit jamais, et obtient tout ce qu’il veut sans rigueur ; c’est un des plus précieux auxiliaires de l’administration.

On a voulu dessiner des chemins, des quinconces dans la futaie d’ormeaux ; le surveillant s’en est chargé, et, avec le concours de « ces messieurs », il a fait une œuvre de jardinage fort convenable. Bien plus, il est chef de troupe et directeur de théâtre. Il a peinturluré des décors, il les dispose dans une grande salle qui sert de classe, il fait apprendre quelque pièce de Berquin ou de Bouilly aux plus intelligents des pupilles, et, à certains jours de fête, on donne une grande représentation. Ce sont des joies qu’on peut imaginer : l’émulation est excitée, l’attente pleine d’émotion, le plaisir très-vif. Sans bien s’en rendre compte peut-être, cet excellent homme a résolu le difficile problème de fortifier le corps